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Des nuages rosés flottaient dans le ciel clair,
La lune se levait, et sur la sombre mer
Le soleil disparu jetait encor sa flamme,
Comme sur le profond abîme de notre âme
Un bonheur d’autrefois prolonge un doux reflet.
Et nous vîmes soudain qu’un bateau s’en allait
Au pied du large môle où nous rêvions ensemble.
Il allait, tout penché, comme un enfant qui tremble,
Livrant sa seule voile au vent mystérieux...
C’était l’heure où là-haut s’ouvrent les pâles yeux
Des étoiles sans cœur. —Ah! qu’elle semblait frêle,
N’ayant pour se sauver du gouffre que cette aile,
Cette barque perdue entre le ciel et l’eau
Et qui partait avec son unique falot !


Gênes.


CAMPO SANTO


O vieux cloître où le bruit du vain monde s’endort,
Pour sentir le triomphe horrible de la mort.
Mes yeux n’ont pas besoin de fixer les images
Que peignaient sur les murs les maîtres des vieux âges.
Elle triomphe, hélas ! la mort, plus tristement
Dans mon cœur qui jadis vint ici, jeune, aimant.
Et ses nobles espoirs le paraient de superbe,
Plus nombreux que ne sont les tombeaux sous ton herbe,
O cloître, et le voici vide et nu comme toi,
— Plus vide, car il doute, et tes murs ont la foi.


Pise.


MATIN TOSCAN


Un ciel bleu, mais du bleu tendre et doux des pervenches,
Un soleil aux rayons doux comme des baisers,
Et partout des buissons faits d’églantines blanches
Avec de fins reflets rosés.