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depuis les Saints-Evangiles jusqu’au quatrième Concile œcuménique, en passant par les Actes des Apôtres, les écrits des Pères apostoliques et les grands docteurs de l’Eglise. On ferait un livre rien qu’avec les témoignages des premiers siècles sur la primauté de Pierre et de ses successeurs.

Pierre fixa son siège définitif à Rome; et comme, de son temps déjà, l’administration de l’Eglise catholique devenait difficile à cause de l’extension de celle-ci et des moyens restreints de communication, il établit deux patriarcats en Orient : celui d’Antioche, où il avait résidé sept ans, pour gouverner l’Asie ; et celui d’Alexandrie, où il envoya son disciple Marc, pour gouverner l’Afrique. Ces deux sièges patriarcaux d’Orient, qui se maintenaient en relations avec Rome par la Méditerranée, étaient comme des succursales du siège suprême devenu le centre de l’Eglise[1]. Tandis que les deux patriarcats d’Orient étaient désormais gouvernés par leurs patriarches respectifs au nom du Souverain Pontife, vicaire de Jésus-Christ, l’évêque de Rome, patriarche de l’Occident, gouvernait directement son propre patriarcat.

Telle était l’organisation claire et nette de l’Eglise universelle, dans les premiers siècles de son existence. C’est là un fait tellement facile à prouver par les textes qu’on doit le considérer comme un point admis par tout homme sérieux, à quelque église actuelle qu’il appartienne. Ce qui amena la séparation religieuse de l’Orient d’avec l’Occident, tout le monde le sait également : ce fut la rivalité qui naquit, dès le IVe siècle, entre la Rome ancienne que Constantin avait cédée au Pape, et Constantinople la Rome nouvelle. Le siège de l’empire ayant été transféré de Rome à Constantinople, on ne tarda pas à voir surgir l’idée que la nouvelle Rome avait hérité des prérogatives de l’ancienne, tant au point de vue ecclésiastique que civil. Bysance, simple évêché jusqu’alors, devint patriarcat, et certains de ses titulaires se mirent à prendre le titre de patriarches œcuméniques ou universels, contre lequel les papes ne cessèrent de protester.

Bientôt l’Empire fut dédoublé ; et de même que l’on eut un empire d’Occident et un empire d’Orient, on commença à diviser l’Eglise catholique en église d’Occident et église d’Orient. L’on vit dès lors certains patriarches de Constantinople prétendre à la direction de l’église d’Orient en opposition à la juridiction du Pape de Rome sur celle de l’Occident.

Si, à ce dualisme issu de la politique des empereurs, on ajoute la différence des liturgies, laquelle alla en s’accentuant avec le

  1. Nous supposons admis par nos lecteurs que ce fait est aujourd’hui historiquement prouvé. Si nous écrivions un livre au lieu d’un article, nous en donnerions les preuves incontestables.