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transports, M. Cooley, maître de conférences à l’Université de Michigan, déclare que les chemins de fer constituent un service d’intérêt général et non pas une industrie ordinaire; mais que la complexité de ce service est telle que des associations particulières sont mieux à même de s’en charger qu’une administration publique. L’État exploitera bien les routes, les postes, les télégraphes, les eaux, parce que les questions à résoudre sont simples, les tarifs nuls ou uniformes. En matière de chemins de fer, la multiplicité des problèmes à résoudre est encore telle qu’il vaut mieux laisser les compagnies particulières poursuivre leurs études et leurs expériences, tout en se réservant sur elles un droit de contrôle étendu. Chez nous ce contrôle est plutôt trop minutieux qu’insuffisant. Nous ne prétendons pas que cette situation doive être définitive. Si nous ne sommes pas encore arrivés à l’époque où une tonne de marchandises ou un voyageur sera transporté pour le même prix de Paris à Asnières que de Calais à Marseille, n’oublions pas que la lettre de 15 centimes et le télégramme de 50 centimes circulent en vertu du principe de la taxe identique, qui ne tient compte ni des délais ni des distances. Grâce à l’Union universelle, une carte postale de 10 ou une lettre de 25 centimes vont de Paris au cap de Bonne-Espérance ou à Melbourne en Australie pour le même prix qu’à Bruxelles ou à Genève. Le colis postal, qui permet d’envoyer dans toute la France, moyennant un droit fixe de 60 ou de 85 centimes, trois ou cinq kilogrammes de marchandises, et un paquet de cinq kilogrammes dans les principaux pays des cinq parties du monde en payant des taxes également fixes, est un pas considérable fait dans la voie de l’unification des tarifs. Il est probable que le poids maximum sera peu à peu élevé et permettra à un très grand nombre d’expéditions de se faire avec une simplicité qui nous étonnera autant que la taxe postale unique eût surpris nos grands-pères. Le célèbre tarif par zones qui fonctionne depuis quelques années sur les chemins de fer de l’État hongrois a supprimé les innombrables prix de gare à gare pour ne laisser subsister que certaines catégories de taxes fixes. Le pays est divisé en quatorze régions ; dans l’intérieur de chacune d’elles le voyageur peut se mouvoir d’un point quelconque à un autre pour la même somme. Un de nos amis qui revenait récemment de Pest nous contait qu’il avait pour dix-neuf francs roulé en première classe et en train express pendant seize heures de suite. En France, la ligne de petite ceinture parisienne est la seule qui jusqu’ici ait adopté un tarif par zones. Les voyageurs ne paient que deux prix : le prix inférieur lorsqu’ils ne franchissent qu’une station ; le prix supérieur pour tous les autres trajets.