Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/847

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont nous dirons un mot plus loin, et qui n’a trouvé qu’un bien faible écho dans l’enceinte du Palais-Bourbon et en dehors de ses murs.


IX

Le rachat obérerait nos finances, augmenterait de plus de moitié le capital de notre dette publique et nous exposerait à toutes les incertitudes des tarifications nouvelles que l’opinion, avec son imprévoyance habituelle en matière économique, ne manquerait pas d’imposer. Ne faut-il pas en conclure que le plus sage est de nous en tenir à notre système actuel, qui garde un juste milieu entre l’exploitation par l’État et l’excès de la liberté avec concessions indéfinies, à l’américaine? Ici comme en bien des choses, in medio stat virtus, et de même que notre climat merveilleux nous défend contre les ardeurs des tropiques et les rigueurs du pôle, nous avons su, observant un sage équilibre, faire la part des droits de la communauté et des résultats à attendre de l’initiative et de l’émulation privées. Il est inutile de rappeler les objections qui ont été et doivent être faites à l’exploitation par l’État, dans un pays surtout où le gouvernement parlementaire a peut-être été poussé au delà de ses limites naturelles. D’autre part personne ne saurait rêver pour la France une organisation qui rappelât même de loin celle des États-Unis, où chacun, sous la réserve de certaines autorisations qui ne sont pour ainsi dire jamais refusées, est libre de lancer une ligne de chemin de fer d’un point à un autre, et en conserve à perpétuité la propriété absolue, si bien que plusieurs lignes ont été louées à d’autres pour 3 999 ans et que certaines obligations sont remboursables quatre siècles après leur date d’émission. Seuls, quelques réseaux américains, dits du Pacifique, endettés vis-à-vis du gouvernement fédéral, sont peut-être appelés à subir l’intervention officielle et à donner un jour de l’autre côté de l’Atlantique, dans la grande République fédérative, le premier exemple d’un chemin d’État.

Chez nous les pouvoirs de l’État résultent à la fois de ce qu’il est le nu propriétaire des lignes, de ce qu’il ne peut se désintéresser de l’exploitation de chemins qui d’ici à un demi-siècle lui reviendront en pleine propriété, et aussi du fait qu’il a avancé et avance chaque jour aux compagnies concessionnaires des sommes considérables : il est donc à la fois propriétaire et créancier. Aussi est-il armé de cent façons diverses pour intervenir quotidiennement dans l’administration et l’exploitation. Ici de nouveau, grâce à une combinaison de motifs opposés, il ne saurait agir que dans l’intérêt bien entendu de toutes les parties. Son pouvoir d’homologuer