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lignes concédées en 1883 sera terminée. Sans les taxes fiscales qui pèsent si lourdement sur les coupons, et qui en diminuent le montant, pour les titres au porteur, d’environ onze pour cent, cette étape serait déjà franchie. Dans un pays voisin, dont les rentes nationales ne sont pas cotées plus haut que les nôtres, certaines obligations de chemins de fer, remboursables à 500 francs et rapportant 15 francs, se négocient aux environs du pair. Le jour où les titres similaires français seront au même prix, une conversion en 2 1/2 pour 100 deviendra possible. La Ville de Paris a inauguré récemment ce type avec succès, en y ajoutant, il est vrai, l’attrait des lots.

Si quelque évolution économique ou politique ne survient pas, il faudra que nos capitalistes s’accoutument à voir leurs placemens en valeurs de premier ordre leur rapporter moins de trois pour cent. Nous ne discutons pas ici la question de savoir si ce phénomène doit être considéré comme heureux ou non, si en particulier il n’est pas le signe d’une atonie commerciale et industrielle fâcheuse. Nous le constatons, et nous désirons qu’il en soit tiré parti, dans la mesure du possible, en faveur des contribuables. Or la conversion des obligations de chemin de fer 3 pour 100 en 2 1/2 représenterait une économie annuelle d’environ 50 millions de francs, c’est-à-dire une diminution de plus de moitié de la garantie d’intérêts : on voit de quel énorme secours elle serait pour nos budgets. Elle ne deviendrait toutefois possible que si notre rente 3 pour 100 se maintenait à plusieurs unités au-dessus du pair, si ce baromètre de la capitalisation des fonds de premier ordre restait au beau fixe pendant une longue période ; car la conversion des obligations de chemins de fer ne pourrait que suivre et non pas précéder celle des rentes nationales. Ceux qui voudraient frapper ces dernières d’un impôt ne mesurent pas l’étendue de la faute qu’ils feraient commettre à la France. Sans parler de l’atteinte ainsi portée au contrat solennel intervenu entre le pays emprunteur et les souscripteurs de bonne foi qui lui ont apporté leurs capitaux, sans insister sur l’avantage moral qu’il y a pour un État à ne pas souffrir que l’ombre la plus légère voile l’éclat de son crédit, il est facile de comprendre que la conversion possible de nos rentes 3 pour 100 nous réserve des ressources plus considérables que celles qu’un impôt nous fournirait. En admettant qu’on les frappât du droit de quatre pour cent qui atteint aujourd’hui les revenus des valeurs mobilières, cela donnerait un chiffre annuel d’environ 24 millions : l’ensemble de nos rentes 3 pour 100 perpétuelle et amortissable est en effet de 600 millions, soit, en capital, de 20 milliards. Nous ne pouvons parler en ce moment de la rente 3 1/2 pour 100, qui est irréductible,