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à cette heure le calcul de ce que seraient les dividendes de plusieurs compagnies, si le principe des conventions de 1859 eût été maintenu en 1883, c’est-à-dire si, au lieu de leur permettre d’imputer sur le compte unique d’exploitation des sommes fixes pour leurs actionnaires, l’État les eût simplement autorisées à prélever un revenu kilométrique moindre qu’avant, la longueur ayant augmenté, sur les recettes de l’ancien réseau. On serait surpris de certains résultats auxquels on arriverait.

Le régime inauguré il y a dix ans a mis des actions, c’est-à-dire des titres qui, par nature et par définition, doivent participer aux chances d’une entreprise, en dehors de tout aléa. Il était naturel de ne pas les associer entièrement aux risques considérables des nouvelles concessions qui venaient modifier les conditions primitives stipulées entre l’Etat et les compagnies. Il y avait des droits acquis en vertu des contrats de concession originaires et des conventions successives. Mais il a été peut-être excessif de considérer des dividendes comme une charge fixe qui s’inscrit d’office tous les ans au compte d’exploitation. Ces garanties de revenu aux actions auraient dû être octroyées avec d’autant plus de circonspection qu’elles constituent des annuités fixes non susceptibles d’être converties, tandis qu’une rente servie à un taux donné sur un capital donné peut toujours être réduite par le débiteur; celui-ci n’a qu’à mettre en demeure de recevoir le remboursement du capital prêté, le créancier qui ne veut pas consentir à la diminution du taux de l’intérêt. Au contraire, là où la dette consiste en un certain nombre d’annuités fixes, elle est irréductible. Mais il faut se hâter d’ajouter que les prévisions du trafic qu’on se croyait en droit de faire en 1883 ne permettaient pas de supposer que les recettes des chemins s’arrêteraient ni surtout que les dépenses augmenteraient dans la proportion à laquelle nous avons assisté. L’Orléans, par exemple, avec 2 150 kilomètres de plus exploités, ne fait guère en 1893 plus de recettes provenant du trafic proprement dit qu’en 1882[1]. Le législateur était fondé à calculer, en jugeant l’avenir d’après le passé, que les seuls produits kilométriques de l’ancien réseau suffiraient au bout d’un certain temps à l’acquittement de toutes les charges, et que la transformation de la comptabilité, la fusion des deux comptes en un seul n’aurait que des avantages, notamment celui de la simplification.

Nos regrets à cet égard ne peuvent être que théoriques.

Il faut aujourd’hui envisager la constitution du capital de nos chemins de fer, non pas au point de vue de ce qu’elle aurait

  1. 1882 : 4 362 kil. exploités : recette brute : 177 millions, 1893 : 6 514 kil. — recette brute : 180 millions.