une lâcheté d’abandonner son poste en de pareilles circonstances, il ne resterait pas une heure au ministère.
Parmi les officiers pourvus de commandemens, il se trouvait donc quelques hommes incapables, usés avant l’âge ou d’un dévouement douteux, mais le haut personnel de la dernière armée impériale n’en formait pas moins un admirable ensemble. On peut même dire que, à moins de révolutions et de guerres analogues à celles qui se succédèrent de 1789 à 1814, jamais l’armée française n’aura de pareils chefs. Indépendamment de leurs qualités militaires innées, ils possédaient cette force : l’expérience, et cette vertu : la jeunesse. Tous avaient fait plus de vingt ans la guerre et aucun n’avait cinquante ans. Napoléon avait 46 ans, Soult 46 ans, Ney 46 ans, Grouchy 49 ans, Drouet 49 ans, Lobau 45 ans, Kellermann 45 ans, Reille 44 ans, Vandamme 44 ans, Pajol 43 ans, Gérard 42 ans, Drouot 41 ans, Exelmans 40 ans, Foy 40 ans et Allix 39 ans.
Chez ces hommes qui avaient mené si souvent les Français à la victoire, la foi dans le succès n’égalait malheureusement plus la vigueur physique et les facultés militaires. Ils étaient trop bien renseignés sur les formidables armemens de l’étranger et sur les faibles ressources de la France, en soldats et en matériel, pour ne pas voir que, à moins d’une suite de coups de fortune, d’ailleurs toujours possibles à la guerre, l’Empereur ne pourrait lutter longtemps avec sa petite armée contre les masses de la coalition. La confiance manquait même aux officiers généraux que leurs sentimens ou la force des circonstances avaient entraînés à se déclarer les premiers pour Napoléon et qui, compromis comme ils l’étaient, auraient eu si grand intérêt à relever le moral de leurs camarades. Mais Ney, Mouton, La Bédoyère, Ameil, Drouet, Lallemand, étaient d’autant plus inquiets qu’ils sentaient que leur tête serait un des enjeux de cette suprême partie. Puis la division régnait dans les états-majors. Les généraux qui, sans être de bien fervens royalistes, n’auraient pas cependant demandé mieux que d’achever tranquillement leur carrière sous les Bourbons, en voulaient aux complices du 20 mars d’avoir jeté le pays dans une aventure et provoqué une guerre effroyable. Ces derniers suspectaient les autres et les dénonçaient comme officiers sans énergie, patriotes tièdes et royalistes honteux. Il y avait enfin, plus ardentes que jamais, les compétitions, les rivalités, les jalousies pour les commandemens. Si ménager de récompenses qu’ait été