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et l’approvisionnement des places. Les arsenaux de Metz, de Douai, de Lille, de Grenoble, de Toulouse fournirent des bouches à feu et de la poudre où le matériel d’artillerie se trouvait insuffisant. Des fourneaux furent établis dans toutes les places pour la fonte des projectiles. La marine envoya de Toulon à Lyon, par Arles et le Rhône, 100 pièces de 24, de 12 et de 6 et de Brest et de Cherbourg à Paris, 300 pièces par le Havre et la Seine. L’armement de Paris comprenait en outre 300 pièces de campagne dont 100 réparties en batteries mobiles. « Il faut mettre du canon tant qu’on peut, écrivait l’Empereur, car on se bat à coups de canon comme on se bat à coups de poing. »

Afin d’aller plus vite, Davout chargea d’abord les commandans de corps d’armée de s’occuper eux-mêmes, avec les préfets et les ordonnateurs, de l’approvisionnement des places de guerre. Il était à craindre que par ce système, qui donna d’ailleurs de bons résultats partiels, on n’en vînt à employer les réquisitions. On recourut aux munitionnaires, mais un sieur Montesuy, qui avait soumissionné la fourniture des vivres, ne sut pas assurer ce service. Le 24 mai, il fut passé entre Davout, Daru et le munitionnaire Doumerc un nouveau contrat aux termes duquel l’approvisionnement devait être complété dans le délai de trente jours moyennant une avance de 4 millions de francs. A la mi-juin, les places de première et de seconde ligne étaient à quelques quantités près approvisionnées pour trois mois, et les convois à la suite des armées d’opération portaient des vivres de réserve pour une moyenne de six jours.

Pour mener à bien cet immense armement, il eût fallu plus de temps et plus d’argent. Le budget royal de la Guerre pour 1815, qui devait être présenté aux Chambres dans la session d’avril, s’élevait à 298 millions, y compris 25 millions pour la maison militaire, les régimens suisses et les pensions des émigrés et des Vendéens. L’Empereur vit tout de suite que, malgré l’économie de 25 millions à réaliser sur ces chapitres, le budget militaire devait être augmenté de 100 millions. Encore l’évaluation était-elle modeste. Si la guerre avait duré, les dépenses auraient de beaucoup excédé ces prévisions. L’Empereur n’aimait pas les emprunts « parce qu’il ne voulait pas manger l’avenir » et aussi parce qu’il ne croyait guère au crédit. En 1815, il ne voulait pas non plus augmenter les impôts de peur de se dépopulariser. Loin de chercher des ressources dans de nouvelles taxes, il supprima le droit de circulation sur les boissons, l’exercice à domicile et, dans les communes de moins de 4 000 habitans, les droits d’entrée