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jusqu’à la fin d’une correction parfaite, et que le langage très simple et très net de M. le ministre des Affaires étrangères n’a pas peu contribué à déterminer le vote définitif. Il est inutile aujourd’hui de récriminer sur le passé. Des fautes ont été commises; les événemens se sont précipités, et nous nous sommes bientôt trouvés acculés à la nécessité de prendre une résolution. Impossible de reculer, ni même temporiser: il fallait agir. Le gouvernement avait pris, conformément à son devoir, les mesures conservatoires indispensables, mais sans faire aucun acte d’hostilité. Toutefois, depuis quelques années déjà, il ne pouvait plus avoir d’illusion sur un dénouement qu’il avait contribué lui-même à rendre inévitable, et il avait eu la prévoyance de faire étudier par des spécialistes discrètement envoyés sur les lieux les conditions dans lesquelles une expédition pourrait se faire. Ce sont les résultats de ces études qu’il a fait connaître à la Chambre, en demandant 15 000 hommes et 65 millions.

La Chambre n’a mis aucun entraînement à voter l’expédition de Madagascar, mais elle l’a fait avec une résolution très ferme et un esprit politique qu’il faut reconnaître. Dès lors, elle a compris qu’elle commettrait une imprudence si elle affaiblissait le gouvernement par des critiques intempestives. M. Ribot le lui a d’ailleurs fait sentir avec force, et son discours a enlevé les dernières hésitations. Il a eu raison de dire que, s’il y avait une responsabilité, grave assurément, à voter l’expédition, il y en avait une plus grave encore à ne pas la voter, alors que le gouvernement la demandait et la rendait par là nécessaire. Pouvions-nous désavouer la politique suivie depuis plus de dix ans? Pouvions-nous renoncer à notre protectorat après l’avoir fait reconnaître, moyennant compensation, par l’Angleterre et par l’Allemagne? Pouvions-nous donner le spectacle d’une nation qui ne sait pas ce qu’elle veut, et qui, après avoir été au-devant des difficultés et les avoir quelquefois provoquées, reculerait devant elles comme prise d’étonnement et de vertige? On a rappelé l’Egypte et les regrets que nous avons eus de n’y être pas allés. Les deux situations ne sont certainement pas les mêmes, et il ne suffit pas d’un rapprochement oratoire pour les confondre. Pourtant, à mesure que les Anglais prolongent leur occupation de l’Egypte et que la date de l’évacuation devient plus difficile à déterminer, nous devons tourner nos regards sur un autre chemin de l’Extrême-Orient que celui du canal de Suez, et nous y assurer de solides points de repère. A cet égard, il y a une corrélation incontestable entre l’occupation de l’Egypte par les Anglais et notre occupation prochaine de Madagascar, et plus longtemps les Anglais resteront au Caire, plus nous devrons nous fortifier à Diego-Suarez et à Tananarive. M. Ribot a montré en traits larges et rapides les développemens, les empiétemens continuels de l’Angleterre dans l’Afrique australe. Il a évoqué le fantôme de cette colonie du Cap auquel