de Venise. Argule loqui : ces premiers mots de la devise que Rome avait jadis inventée pour la Gaule ont, de tous temps, convenu à l’Italie. Sa langue est si mélodieuse qu’elle en prodigue le gazouillement, sans compter, partout où se rencontrent les cavaliers et les dames, dans les théâtres, dans les églises, aux concerts de musique. Boccace réunissant, au début du Décaméron, dans une chapelle de Santa Maria Novella, les personnages qui conteront ses nouvelles, nous a rendu avec fidélité un trait des mœurs florentines. Aujourd’hui encore, entre deux messes, on se raconte de petites aventures et l’on noue d’agréables intrigues en face de la grande Madone byzantine de Cimabue, des miracles peints par Filippo Lippi ou de l’Enfer à demi comique d’Orcagna.
On peut, sans paradoxe, reconnaître dans le conte la tradition vraiment nationale de la littérature italienne. Le plus vieux recueil de ces contes est le Novellino, qui s’appelle encore Cento Novelle antiche, Libro di novelle e di bel parlar gentile, Fior del parlar gentile. Ces cent nouvelles sont, dans le manuscrit le plus complet, au nombre de cent soixante-six. C’est une œuvre composite, hybride, d’origine mystérieuse, d’auteur inconnu, dont la date, la patrie et la genèse font travailler, depuis les temps reculés de Tiraboschi, surtout depuis un demi-siècle, les têtes érudites de la péninsule. Les derniers venus de ces critiques, M. Bartoli, M. d’Ancona, et le plus récent éditeur du Novellino. M. Guido Biagi, ont sagement écarté du problème les difficultés et les chimères inutiles, les noms fantaisistes d’auteurs probables, tels que Brunetto Latini, Francesco da Barberino, Dante da Majano, Guido de Bologne. Ils ont élucidé les questions relatives à l’âge et à l’originalité des huit manuscrits connus jusqu’à ce jour, et qui diffèrent entre eux par de notables variations non seulement de classement, mais de textes et de développemens romanesques. D’Ancona et Bartoli ne sont pas d’accord sur tous les points. Les divers manuscrits ne sont-ils que la copie plus ou moins fidèle, parfois sensiblement altérée, d’un texte primitif perdu peut-être pour toujours ? L’un des manuscrits connus a-t-il servi de modèle aux autres ? L’ouvrage est-il, en une certaine mesure, de création littéraire, ou le rédacteur premier n’a-t-il fait qu’écrire sous la dictée de conteurs qui puisaient eux-mêmes à la tradition orale, populaire ou bourgeoise, ou même à la tradition moins naïve des clercs et des lettrés? Quelles incertitudes les interpolations des copistes n’ajoutent-elles pas à la date approximative du livre? Certains critiques ne veulent point dépasser les dernières années du XIIIe siècle; d’autres descendent, sans inquiétude, jusqu’en plein XIVe presque jusqu’en vue du Décaméron. Sur tout cela les conclusions de M. d’Ancona, très clairement déduites, me semblent