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LES CONTEURS ITALIENS

I
LES PRIMITIFS. — LE NOVELLINO.
FRANCESCO DA BARBERINO


I

Le moyen âge avait tenté d’établir, par la notion de chrétienté, une communauté idéale des peuples de l’Occident. Par le latin, langue de l’Eglise, du droit écrit, de la scolastique et de la chronique, il fonda la communauté intellectuelle des races chrétiennes. Par la diffusion des souvenirs héroïques et des légendes chevaleresques, il créa une littérature véritablement européenne. Charlemagne et ses pairs, Artus, Merlin et les preux de la Table-Ronde, Alexandre, Enée, César, tous les héros de « Rome la grande », furent adoptés par toutes les langues vulgaires et toutes les littératures naissantes. Renart lui-même, qui représentait la revanche des petits contre les puissans, de la bourgeoisie contre les seigneurs, des laïques contre l’Eglise, fit le tour de l’Europe; il alla même jusqu’à Constantinople, où il se rencontra, sans aucune timidité, avec les princes de l’épopée œcuménique et les plus nobles figures de la poésie féodale.

Ce premier trésor commun de grands souvenirs, de romans d’amour et de guerre, de scolastique et d’histoire, servit à l’éducation supérieure du moyen âge. Il lui révéla la lointaine antiquité, lui rendit l’image embellie de son propre passé et le consola, par le rêve, de bien dures misères. Mais la tradition orale