un pays onduleux, fermé par des collines boisées. Là-bas ce vaste bâtiment de brique rouge avec d’importantes dépendances qui semblent indiquer une grande ferme, c’est la prison, — une prison sans murs ni barrières, — précédée d’un jardin qui appartient au plus petit des deux corps de logis, séparés, bien que tout proches l’un de l’autre. Celui-ci est la demeure de la directrice, l’autre renferme les détenues, dont le nombre varie de trois à quatre cents. Aucune n’est condamnée à vie, le terme de la détention pour la plupart ne dépasse pas cinq ans ; cependant il y a quelques exceptions, car on rencontre des meurtrières à Sherborn, et des infanticides et des incendiaires aussi bien que de simples vagabondes ou des ivrognes incorrigibles, — ce dernier cas malheureusement plus commun que tous les autres.
Mrs Johnson est une femme grande et forte, de cinquante-cinq ans environ, dont la physionomie ouverte et bienveillante exprime la plus calme énergie. Elle a un air de santé physique et morale très frappant : la bonté se lit dans toutes les lignes de sa figure ronde et pleine, mais on devine au premier coup d’œil que cette bonté n’a rien de sentimental et qu’aucune faiblesse ne s’y mêle. Elle ne s’appuie sur nulle autorité du dehors, et quoique la prison ait des inspecteurs, bien entendu, ceux-ci lui laissent carte blanche, appréciant sa haute compétence. Elle connaît chacune de ses pensionnaires, et l’observation de la nature humaine est poussée chez elle au suprême degré. Un trousseau de clés très fines pendu à la ceinture, elle marche devant nous, suivie de son petit chien dont les bonds et les gambades semblent ici presque déplacés par les pensées de liberté qu’ils suggèrent. D’une jolie chambre pleine de fleurs nous sommes passées dans les corridors si larges et si clairs de la prison, et la directrice nous montre son empire tout en répondant à nos questions.
Oui, elle habite le pavillon seule, absolument seule, servie par les détenues. Nous avons vu l’une d’elles, la jeune fille qui nous a ouvert la porte. Elle portait la robe d’uniforme, mais la rosette rouge attachée au corsage indique une conduite irréprochable. Ce petit bout de ruban dont Mrs Johnson a eu l’idée lui rend de grands services. Toutes les distinctions obtenues contribuent à relever le moral de ces pauvres femmes, et elle ne laisse jamais le moindre effort sans récompense, non pas simplement la stricte obéissance à la règle, mais les progrès cachés et individuels, plus importans que tout le reste. Une soumission passive ne lui suffirait pas ; elle croit qu’on ne peut éveiller la conscience chez des êtres ignorans et déchus qu’en les confiant jusqu’à un certain point à eux-mêmes. Le système de la prison est fondé entièrement là-dessus. Ainsi la robe des détenues est au premier aspect pareille pour