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[1]. » Sans qu’il existe ou qu’il doive exister d’obligation légale en ce sens, l’équité, de même que l’intérêt bien entendu, invitent le propriétaire à participer aux pertes exceptionnelles et qui ne pouvaient être prévues[2]. Quant à celles qui, au contraire, étaient susceptibles d’être prévenues soit par une bonne exploitation du fermier, un surcroît de soins, soit par des assurances, comme les pertes résultant de la grêle, il n’est ni légitime ni même désirable que le propriétaire s’y associe; ce serait dégager le fermier de tout soin et de toute prévoyance.

Le propriétaire de la terre affermée a une autre et très considérable fonction. Il est le représentant des intérêts permanens de la terre, tandis que le fermier ne se soucie que de l’exploitation pendant neuf ans, ou quinze ans, ou dix-neuf, et que, dans les dernières années de la période, il n’est plus, si l’on n’a pas renouvelé son bail d’avance, ce qui est souhaitable, qu’un tenancier tout à fait précaire. Le propriétaire doit donc exercer une certaine surveillance sur l’exploitation. Il doit, en outre, parer à toute détérioration soit du sol, soit des installations, soit des bâtimens, soit des plantations, y avoir toujours l’œil ouvert et intervenir à temps pour empêcher qu’une négligence prolongée n’amène un préjudice notable. Bien plus, il doit coopérer aux améliorations, y pousser le fermier, si celui-ci est routinier, l’y aider par des prêts à intérêt modéré, si celui-ci est à l’étroit. De toute façon il doit coopérer aux progrès ; car il est rare qu’une nouvelle méthode de culture n’exige pas certains perfectionnemens dans les bâtimens, dans les clôtures, dans les agencemens permanens qui sont à la charge du propriétaire : barrages, drainages, rigoles, nivellemens, etc.

La situation de propriétaire d’un bien même affermé est ainsi loin d’être une sinécure. Plus instruit, en général, que le fermier, vivant plus en contact avec les hommes qui s’occupent de science, possédant aussi plus de capitaux, le propriétaire, sauf le cas de fermiers exceptionnellement entreprenans, aisés et instruits, doit s’efforcer de faire que son domaine profite de toutes les applications efficaces de la science agronomique : il doit y contribuer par son influence, et fréquemment aussi par ses avances ou ses dépenses d’utilité permanente. Ainsi, la coopération harmonique du propriétaire et du fermier est une des conditions du succès prolongé du régime de fermage.

  1. Rogers, Ibid., p. 154 et 155.
  2. Toutes ces dépenses d’entretien, ces remises occasionnelles, ces agencemens, même nouveaux, auxquels le propriétaire intelligent ne se dérobe pas, réduisent dans des proportions notables le montant réellement net des fermages et le font descendre’ fort au-dessous des chiffres des statistiques.