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ses yeux par le souvenir d’injures passées et par le soin de sa propre sûreté, mais qui n’en devait pas moins constituer dans l’état des conventions internationales qu’elle avait elle-même souscrites, un acte d’agression effective. Le traité défensif n’avait de valeur à ses yeux que pour lui laisser le temps et lui fournir les moyens de réunir les forces nécessaires à l’exécution de ce dessein. À d’autres conditions et pour une moindre espérance, Marie-Thérèse n’y aurait assurément pas donné son adhésion : même donnée, elle ne l’aurait pas maintenue. Le dessein de se faire restituer la Silésie étant la seule cause de son rapprochement avec la France et le seul point aussi qui la séparât de l’Angleterre, si on ne l’eût pas au moins laissée libre d’y prétendre, l’alliance française n’avait plus de prix à ses yeux et elle retournait, suivant le désir de la majorité de ses conseillers et de son époux, à ses anciennes liaisons. C’était à prendre ou à laisser.

L’autre signataire du traité, la France, tout en refusant de s’associer directement au projet agressif de sa nouvelle alliée, en avait si bien reconnu ou subi la nécessité que, non seulement elle avait promis de n’y mettre aucun obstacle, mais qu’elle cherchait par des artifices un peu puérils un moyen d’y venir en aide, afin d’être en droit de réclamer d’avance une part à sa convenance dans le fruit de l’opération.

Toutes deux enfin étaient convenues de se concerter à nouveau pour concilier les points de dissentiment qui les séparaient encore et aborder ensemble l’entreprise de l’avenir.

Ainsi commenté ou plutôt complètement altéré par elles-mêmes, le caractère défensif et pacifique du contrat qui les liait n’était plus qu’une apparence propre à tromper seulement ceux qui auraient bien voulu s’y prendre. C’était, sans contestation possible, une campagne offensive qui se préparait : c’était la guerre à courte échéance que le traité portait dans ses flancs. « La paix ne tenait plus qu’à un cheveu, dit très justement Frédéric, il ne s’agissait que d’un prétexte, et quand il ne faut que cela, la guerre est autant que déclarée. » Il aurait dû seulement ajouter que, sachant la guerre inévitable et pressé d’y recourir, si le prétexte était trop lent à se produire à son gré, il saurait au besoin le faire naître lui-même, un excès de patience et de scrupule étant le moindre des défauts qu’il ait jamais eu à se reprocher.

Dès lors, du moment où la perspective d’une lutte à soutenir contre un ennemi aussi sérieux que la Prusse, qui ne pouvait manquer d’être appuyée par l’Angleterre, — hardiment acceptée par l’Autriche, — n’était plus que très faiblement éloignée par la France, il ne devait y avoir, aussi bien à Versailles qu’à Vienne, aucun soin plus pressant que de se mettre à tout événement en mesure