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assez difficile en elle-même. Nous avons le protectorat de Madagascar, il nous suffit. Le protectorat n’est autre chose qu’un système de colonisation à bon marché. Tous les grands gouvernemens colonisateurs, depuis les Romains jusqu’aux Anglais, nous en ont donné des exemples et des modèles auxquels nous avons trop longtemps fermé les yeux. Lorsque enfin nous les avons ouverts, nous avons, à notre tour, fait en Tunisie une expérience du protectorat qui a réussi admirablement. Le protectorat respecte mieux les mœurs d’un pays, s’y adapte plus doucement, se sert, sans les violenter, des moyens d’action que l’évolution historique y a créés, au lieu d’y importer de force tout un attirail administratif et politique venu du dehors. Bien compris et bien appliqué, il donne tous les avantages du pouvoir et en diminue les charges. Il faut donc, tout d’abord, demander au gouvernement et, au besoin, exiger de lui l’engagement de poursuivre à Madagascar le protectorat seul, et non pas la conquête et l’assimilation. Il faut ensuite veiller à ce qu’il assure à la tête du corps expéditionnaire l’unité et l’énergie du commandement. C’est le ministre de la guerre qui a déposé la demande de crédit de 65 millions : on en a conclu que le général qui serait chargé de la direction supérieure de l’expédition serait choisi dans l’armée de terre et non pas dans les troupes de la marine. Qu’il soit pris ici ou là, peu importe ; mais ce serait méconnaître l’importance de l’entreprise que de ne pas faire appel au dévouement et à la capacité d’un de ces officiers-généraux devant lesquels toutes les compétitions disparaissent, tous les amours-propres s’inclinent, et qui inspirent à tous confiance et respect. Dans ces conditions le commandement aura le prestige et l’autorité qui sont ici absolument nécessaires. Ce n’est rien moins qu’une simple promenade militaire que nous allons faire à Madagascar. Nous espérons que 15 000 hommes y suffiront ; nous souhaitons qu’on ne dépasse pas 65 millions. Mais il serait moins grave assurément de s’être trompé sur le nombre des millions que sur celui des hommes indispensables. Quoi qu’il en soit, la Chambre a écouté avec une attention soutenue l’exposé des motifs, parfaitement clair, précis, exact et complet, que lui a fait M. le ministre des affaires étrangères. Elle prendra sa résolution froidement, en pleine connaissance de cause, ce qui est une garantie de la fermeté qu’elle mettra par la suite à y persévérer.


La mort et les obsèques du tsar étaient pour nous une occasion d’exprimer au gouvernement et au peuple russes la profonde sympathie que nous inspire leur malheur. Ce malheur est aussi le nôtre ; nous lui avons attribué un caractère national ; mais il s’en faut de peu que toutes les autres nations n’aient éprouvé les mêmes sentimens. L’empereur Alexandre avait su mériter la confiance et le respect universels, et son fils verra certainement dans les hommages rendus partout à une