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en raison de ses défauts physiques, intellectuels et moraux. Dans les races artificielles d’animaux domestiques, la dégénérescence a souvent pour résultat la réversion vers un type primitif de l’espèce avec capacité de recouvrer les adaptations anciennes. C’est qu’en réalité on a donné le nom de « race » à une variété dont les qualités héréditaires n’avaient pas la fixité qui caractérise la race. Dans les races naturelles on n’observe pas de ces réversions. Dans les races humaines en particulier, la dégénérescence ne se manifeste pas, quoi qu’en aient dit bon nombre d’auteurs par des retours à des formes ancestrales, mais bien par des troubles de l’évolution amenant des malformations somatiques et des perversions fonctionnelles incompatibles non seulement avec les adaptations actuellement nécessaires mais même avec les adaptations ancestrales. Le bec-de-lièvre, le spina-bifida, les vices de conformation des organes génitaux si fréquens chez les dégénérés n’ont rien à faire avec les types ancestraux ; et la stérilité, qui est l’aboutissant nécessaire de la dégénérescence, ne peut guère avoir de relation avec l’atavisme. En les considérant de près, on voit clairement que les vices de conformation des dégénérés, que l’on appelle les stigmates de la dégénérescence, sont des malformations tératologiques. Si le dégénéré ne donne pas naissance à des êtres qui lui ressemblent, ce n’est pas parce qu’il a acquis la propriété particulière de transmettre des caractères qui ne lui appartiennent pas : mais c’est que la dégénérescence est la dissolution de l’hérédité. L’hérédité normale nécessite une embryogénie normale ; les maladies susceptibles d’être héréditaires et liées à une prédisposition paraissent résulter d’une embryogénèse troublée. Les troubles de l’embryogénèse ont des résultats différens suivant l’époque où ils se produisent ; aussi n’est-il pas de règle qu’ils se transmettent directement dans leur forme.

La ressemblance que l’on trouve dans l’espèce humaine chez les dégénérés d’origine différente, ressemblance qui permet d’en faire une classification dont le cadre est en somme assez restreint, on la reproduit dans les expériences qui ont pour but de provoquer des monstruosités artificielles. Que l’on trouble l’incubation des œufs de poule par des écarts de température, qu’on les chauffe trop ou qu’on ne les chauffe pas assez, qu’on les prive d’air ou qu’on introduise dans le milieu où ils respirent des substances toxiques ou capables de modifier la nutrition de l’embryon, de l’éther, du chloroforme, des alcools, des essences, de la nicotine ; qu’on fasse pénétrer ces mêmes substances dans l’albumen ; qu’on les ébranle par des chocs brusques ou par des secousses