quel remue-ménage, quel triquetraque des pieds, lorsqu’elle oublie'' quelques années ! Dans une heure d’abandon, elle racontait à un vieil ami le trait suivant : Le colonel *** (l’ami du cœur) souffrant d’une rage de dents, ne consentait à aller chez le dentiste qu’avec elle. Les voilà chez Duchesne : nouvelles hésitations. « Courage ! jeune homme, fait avec bonhomie l’opérateur, quand ce ne serait que pour faire plaisir à la maman ! » Elle aimait l’amour, comme cause et comme effet, comme but et comme moyen, afin de prolonger l’illusion de la beauté, parce qu’il l’empêchait d’entendre la raison et l’ironie qui commandaient la retraite, cette première mort des grands artistes.
La charge du comte de Rémusat l’obligeant à de fréquentes absences, Mme de Rémusat le remplace dans le gouvernement du tripot comique. Patricienne de race, d’esprit, et vraiment l’égale des femmes les plus accomplies d’autrefois, épouse habile à mettre en pleine lumière les vertus d’un mari qu’elle adore, fidèle à ses amis, sachant toujours dire la chose qui convient et devinant plus vite encore qu’elle n’apprenait, elle possède l’art de manier les hommes et les choses, fait merveille lorsqu’elle s’occupe des comédiens de Sa Majesté Impériale. Et comme la première chambellane n’a garde d’oublier les égards dus à la dignité officielle, et que sa déférence est en raison directe de ses talens, elle s’empresse de mander à son mari les pétoffes, cancans et caquets qui courent sur le monde théâtral et le monde sans épithète, les mesures qu’elle a osé prendre, sollicite son approbation, ses conseils, les lui souffle au besoin sous forme d’avis délicatement proposés ; si bien qu’en feuilletant cette correspondance, on pourrait reconstituer l’histoire intime de la Comédie à cette époque[1].
Ce n’est pas une sinécure qu’elle doit remplir : ses sujets indociles en prennent à leur aise, cherchent à narguer l’autorité enjuponnée. Personne pour la seconder : la faiblesse, ou l’état de santé du commissaire Mahérault le réduisent presque au rôle de soliveau ; il se contente de gémir, de se plaindre au comte de Rémusat : « Il respire une odeur de cadavre, » et les médecins ne le croient pas en état de gagner la saison des eaux. La question des congés revient sans cesse sur le tapis : faire le malade, trouver des défaites pour se dispenser du service ordinaire, qu’est-ce que cela pour des gens qui ont dans le répertoire l’arsenal de toutes les
- ↑ Lettres de Mme de Rémusat, 2 volumes, 1804-1814. — Mémoires et Correspondance, 9 volumes. — Ludovic Haléyy, Une Directrice de la Comédie-Française, préface du t. XVI des Annales du Théâtre et de la Musique.