de composer, et cela est si vrai qu’il suffirait d’ordonner un de ses tableaux à la façon de David ou de Couture, pour que la saveur en disparût totalement, alors qu’on conserverait les mêmes données archéologiques. L’ordonnance de M. Alma Tadema consiste à éviter toute ordonnance apparente. C’est, dirait-on, l’objectif braqué sur un coin de la vie antique et saisissant au hasard tout ce qui tient dans les limites du cliché. Peu importe qu’au bas de la toile, une tête apparaisse dont on ne voit pas le corps, qu’une poitrine soit coupée longitudinalement par le milieu, qu’une main se tende sans qu’on sache si son possesseur est un homme ou une femme. L’impression de vie prise sur le fait n’en est que mieux rendue. Voyez son Hadrien en Angleterre, une visite aux poteries anglo-romaines. On dirait un dessin du Graphie ou de l’Illustration pour accompagner le compte rendu d’une visite princière. Si l’on habillait l’empereur d’une redingote, les dames qui l’accompagnent à la mode de 1894, — il n’y aurait pas grand’chose à changer, — les ouvriers de blouses, et si l’on donnait le tout pour une visite du chef de l’Etat aux poteries de Vallauris, personne n’aurait l’idée d’une composition historique. Faites la même chose avec un tableau de David et, en dépit des costumes modernes, l’idée d’une composition, d’une solennité antique subsistera toujours.
Cette impression de procès-verbal, d’instantané, ne va pas sans des défauts de composition. M. Alma Tadema ne l’obtient qu’en brisant toute l’ordonnance classique, en désarticulant tout le groupement synthétique sur lequel a reposé la composition des maîtres. Au lieu de ramasser l’effet, il le divise ; au lieu de conjoindre les lignes, il les disperse ; et l’attention, avec elles, s’en va dans tous les coins. On ne sait pas où est le tableau… Dans son Ave Cæsar ! il y en a trois, dont deux au moins vivent de leur vie propre, sans avoir besoin de leurs voisins pour les expliquer. On peut couper la toile d’abord à la ligne du chambranle où s’appuie le buste de l’empereur, ensuite, selon une ligne perpendiculaire tombant de la main du soldat qui lève son bouclier. On obtient ainsi trois groupes homogènes : — à l’extrémité droite, le groupe du soldat et de Claude, l’un saluant l’autre. Appelez ce morceau : Ave Cæsar ! envoyez-le au Salon, et personne n’en demandera davantage : nul n’aura l’idée que ce n’est qu’un tronçon d’une tragédie en trois actes. — Au milieu, on a le groupe des personnages tués au pied du buste de César. Cela fait un second tableau. — Enfin, à gauche, le groupe des soldats et des femmes criant, n’empiétant pas d’un pouce sur le second tableau, ne se reliant à lui et au premier que par la pensée du spectateur qui en saisit les rapports. Cette