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la frontière et que la France en payât l’entretien deux ans encore. Alexandre parut y consentir, mais il demanda que cette garde fût confiée à son armée. La Prusse comprit et n’insista plus.

Les souverains coalisés avaient signé à quatre un traité par lequel ils s’engageaient à étouffer partout, même par la force des armes, toute tentative de révolution (20 novembre 1815). L’évacuation du territoire accordée, le duc de Richelieu et Louis XVIII demandèrent que la France fût associée à ce traité, qui, dès lors, ne serait plus dirigé contre elle. Castlereagh, très coulant sur l’évacuation, se montra au contraire très opposé à l’admission dans l’alliance. Alexandre vint à bout de ce mauvais vouloir. La France rendue à elle-même cessa d’être soumise à la surveillance de l’Europe ; elle retrouva la dignité et la liberté de sa politique (9 octobre 1818).

Richelieu ne revint pas d’Aix-la-Chapelle, comme Talleyrand était revenu de Vienne, gorgé de pots-de-vin. Pour subvenir à sa pauvreté après sa sortie du pouvoir, ses sœurs vendirent les diamans reçus à titre de présens d’usage, qu’elles lui avaient demandés sous prétexte de s’en parer ; elles en retirèrent sept ou huit mille francs. Une dotation de cinquante mille livres de rente viagère fut proposée aux Chambres, à titre de récompense nationale. Le duc s’était opposé à la présentation du projet. Lorsqu’il eut été adopté malgré la résistance de la droite extrême, il abandonna cette dotation aux hospices de Bordeaux. Inclinons-nous devant cette haute vertu civique.


EMILE OLLIVIER