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introduite. L’Autriche, la Prusse, pour toutes celles de leurs possessions ayant autrefois appartenu à l’empire germanique, le roi de Danemark pour le duché de Holstein, le roi des Pays-Bas pour le grand-duché du Luxembourg, établirent entre eux une confédération perpétuelle, dont les affaires étaient confiées à une réunion de plénipotentiaires, la Diète, siégeant à Francfort sous la présidence de l’Autriche.

Les confédérés s’engagèrent d’abord à se garantir mutuellement celles de leurs possessions comprises dans cette union, à défendre chaque État, à ne point poursuivre les différends nés entre eux par la force des armes, à les soumettre à la Diète, qui les concilierait par voie de médiation ou les trancherait par voie de jugement austrégal. Les dix-sept voix des assemblées ordinaires qui réglaient les affaires courantes à la pluralité absolue, comme les soixante-neuf des assemblées générales qui statuaient sur les lois fondamentales et sur les arrangemens d’intérêt commun à la majorité des deux tiers, étaient réparties de telle sorte entre les divers États que toute action résolue, dès que l’Autriche et la Prusse ne s’accordaient pas, devenait absolument impossible. Cette charte de la Confédération faisait partie intégrante de l’arrangement international général. Elle ne donnait, ne garantissait, n’annonçait aucune liberté. Le mécanisme en paraissait combiné de manière à permettre à l’esprit rétrograde de les refuser toutes.

Les patriotes allemands, aussi désolés que les Italiens, n’avaient pas assez d’invectives contre le « misérable marais » auquel aboutissait à Francfort l’élan de 1813. Ils considéraient la constitution fédérale comme une anarchie organisée, comme la débilitation intérieure et extérieure de leur patrie. Stein, qui, pour la cause nationale, avait enduré l’exil, la prison, la confiscation, était désespéré ; le futur empereur d’Allemagne, le prince Guillaume, écrivait : « Si la nation avait su qu’après avoir atteint un tel degré de gloire, de prestige et d’éclat, il ne resterait plus qu’un souvenir sans aucune réalité, qui aurait voulu alors tout sacrifier pour obtenir un pareil résultat ? »

La plainte universelle recueillie par Joseph de Maistre se traduisait en accens pathétiques dans ses lettres : « Jamais les nations n’ont été plus méprisées, foulées aux pieds d’une manière plus irritante pour elles. C’est une semence éternelle de guerres et de haines tant qu’il y aura une conscience parmi les hommes (29 mars 1815). Il n’y a plus d’équilibre ni de liberté politique en Europe (1er février 1816). C’est une chose horrible que les politiques les plus sages se trouvent conduits à désirer de nouveaux troubles, et cependant on en est là (10 février 1816). »