Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’entendement humain, ceux qui veulent s’élever plus haut. De son art il a corrigé les imperfections et désavoué les erreurs ; il a supprimé les bornes et les obstacles ; mais l’essence, mais l’être pur, il s’est gardé de l’anéantir. Au contraire il n’a voulu que le dégager, que l’accroître, et c’est ainsi, qu’il s’est rapproché plus qu’il n’avait jamais fait encore, de la vérité absolue et de l’absolue beauté.


M. Saléza dans le rôle d’Othello montre beaucoup d’intelligence, de goût et de chaleur. Il chante et ne crie pas ; malheureusement l’ampleur et la puissance lui font défaut.

Iago, c’est M. Maurel, ou plutôt M. Maurel est Iago. Gestes, airs de visage, d’un visage qu’il a fait affreux et superbe étrangement ; intonations, silences même, c’est de tout cela qu’il compose le personnage, et tout cela est juste, tout cela est profond et quelquefois tout cela est grand.

Mme Caron ne fut jamais plus admirable, admirable plus-complètement que dans le rôle de Desdemone : jamais plus noble, plus chaste, plus lasse d’une plus douloureuse lassitude. Jamais surtout elle ne fut aussi tendre. Elle s’est rappelé que Shakspeare a dit de Desdemone : « Le monde ne contient pas mie plus douce créature. » Et quant au quatrième acte, avant de l’entendre et de le voir chanter ainsi, nous le savions par cœur, et pourtant nous ne le connaissions pas.


CAMILLE BELLAIGUE.