plus filiale dans l’opéra que dans le drame, pleure, se désespère, et un chœur délicieusement nommé le « chœur des confidens » s’associe à sa douleur.
Puis c’est le dernier acte, celui dont Rossini disait : « Il restera. » En quoi Rossini se trompait, au moins de moitié. Encore ne parlait-il que de la musique. Mais du drame, de ce drame d’après Shakespeare. Il reste moins encore : trois vers, qui sont de Dante. A la vérité, les avoir cités ici, avoir fait soupirer par un pêcheur qui passe sous la fenêtre de l’enfant douloureuse et qui se souvient, ces immortelles paroles de souvenir et de douleur, voilà la seule trouvaille du pauvre marchese ; qu’au moins elle lui soit comptée. Le reste, oh ! le reste malheureusement n’est pas le silence, comme dit Shakspeare encore : c’est jusqu’au bout le contresens et la caricature. C’est Desdemona déliant Othello, présentant sa poitrine au poignard, criant presque le : feri ventrem ! d’Agrippine, pour justifier sans doute par tant d’intrépidité le fameux : « O my fair warrior ! ô ma belle guerrière, » dont le librettiste avait entendu parler. Connaissant aussi, par ouï-dire, un autre mot non moins célèbre, il voulut également le traduire et le placer. C’est pourquoi le More, sentant sa main trembler et se demandant d’où vient qu’elle tremble, regarde le flambeau : Eccone la cagione, dit-il, et il l’éteint. Et voilà ce qu’est devenu l’admirable : « C’est la cause ! la cause ! Chastes étoiles, que je ne la nomme pas devant vous ! »
Si la musique au moins faisait oublier le poème ! Mais, à part deux ou trois pages, elle lui ressemble. Deux fois sublime est la plainte du gondolier ; avec la beauté musicale elle possède la vérité dramatique. Plus convenue déjà, mais belle, très belle encore est la romance du Saule, ainsi que la prière qui suit. Mais ailleurs, partout ailleurs, la musique ne fait qu’ajouter son mensonge à celui de la poésie. Elles s’unissent toutes deux pour trahir Shakspeare, l’âme humaine, et pour les parodier. Pas un personnage, pas un caractère n’est créé par les sons. Ni Desdemona, ni Othello, ni Iago n’existent musicalement. Tous trois chantent de même et chantent en vain ; des notes, toujours des notes, et jamais un accent ; « admirable musique, dit Stendhal, sous tous les autres rapports que celui de l’expression. » Mais non ; cette musique, fût-ce en tant que musique seulement, n’est rien moins qu’admirable. En dehors même du drame, avec lequel elles jurent, et du sentiment, qu’elles outragent, ces formes sonores n’ont point de beauté : ces mélodies sont constamment vulgaires, ces harmonies pauvres, et ces timbres insignifians. Quand Alfred de Musset trouvait tous les motifs d’Othello « tristement frères », il ne croyait pas dire si vrai ; rien de plus triste qu’une telle fraternité de misère. Allegros de bravoure et andantes de langueur ; duos à la tierce avec reprises, strettes, vocalises et