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les personnes qui me l’offraient ; mais il paraît qu’on s’y accoutume facilement.

Le maté contient une forte proportion de caféine, 1,85 pour 100, suivant Byasson, 1,35 d’après Latour. Cette différence tient probablement à ce qu’ils n’ont pas opéré sur la même variété commerciale : mais, quelle que soit l’évaluation qu’on adopte, on voit que la teneur du maté en alcaloïde le classe, au point de vue de son principe actif, entre le café qui en contient la moitié moins, et le thé qui en renferme plus du double.

Les propriétés physiologiques qui résultent de cette composition sont sensiblement les mêmes. Le maté, comme ses analogues, agit sur le cerveau et produit à haute dose une sorte d’ébriété que Mantegazza compare à une pointe de Champagne. Il amène un fonctionnement intellectuel plus actif et fait également disparaître la fatigue. Il aide à supporter la chaleur du climat et les longues marches à travers les pampas ; enfin son action sur le tube digestif est la même.

Le maté se prend à plus haute dose que le café et surtout que le thé, et comme on en boit cinq ou six fois par jour, dans l’Amérique du Sud, il n’est pas extraordinaire qu’on observe, chez ceux qui en font abus, une sorte de dyspepsie douloureuse à laquelle Mantegazza a donné le nom de gastralgia matica et qui est analogue aux troubles gastriques que cause l’abus du café.

Pour les personnes qui y sont habituées, la privation brusque du maté est aussi pénible que celle du tabac. Les habitans des bords de la Plata, lorsqu’ils viennent en Europe et que leur provision de maté est épuisée, éprouvent pendant quelque temps un malaise très pénible, caractérisé par de l’hébétude, par une inaptitude complète au mouvement et au travail intellectuel.

Le maté rend incontestablement des services dans les pays où on le cultive. Les Européens qui viennent se fixer à Buenos-Ayres ou à Montevideo, s’y accoutument très vite ; il y aurait avantage, comme le fait observer Le Boy de Méricourt, à en délivrer aux équipages des navires qui stationnent dans ces parages et plus spécialement aux mécaniciens et aux chauffeurs, qui souffrent cruellement, sous ces latitudes, pendant qu’ils sont devant les feux.


V

Les boissons aromatiques rendent, comme on le voit, de très réels services et justifient l’intérêt qu’elles inspirent aux hygiénistes, mais elles sont peut-être appelées à jouer un rôle plus