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février jusqu’en juillet, dans la République Argentine, d’août en décembre dans le Paraguay, et de mai en septembre dans le Parana.

Les yerbateros, c’est ainsi qu’on nomme les gens qui récoltent le maté, passent légèrement les rameaux dans la flamme ; ils les réunissent ensuite en paquets qu’on suspend au-dessus d’un petit feu de bois sec.

La dessiccation est complète au bout de deux jours. On étend alors une peau de bœuf sur les cendres refroidies et on y reçoit les feuilles sèches, qu’on sépare des rameaux en les battant avec un bâton. On les réduit en poudre et on les emballe dans des sacs en peaux de bœufs cousues. Dans le Parana, on sèche les feuilles, comme le thé en Chine, dans de grands bassins de fer ou dans des appareils spéciaux destinés à leur conserver leur arôme. On les pulvérise ensuite à la machine. Cette sorte est très estimée dans le commerce[1].

Le maté est préféré, dans tous les pays qui le produisent, au thé et au café, bien que ce dernier y soit récolté en abondance. Il coûte beaucoup moins cher et constitue la boisson favorite de plus de 10 millions d’hommes. Sa consommation annuelle est estimée à 100 millions de kilogrammes ; l’exportation à 37 millions environ. Le maté se boit en infusion, et la préparation en est très simple. On met dans une calebasse une vingtaine de grammes de maté en poudre, avec un peu de sucre et de peau d’orange, on y verse de l’eau à 85 ou 90 degrés et on laisse infuser quelques instans. Alors le sebador di mate, c’est-à-dire le serviteur chargé de la préparation de cette liqueur précieuse, y plonge la bombilla. C’est un tube métallique dont l’extrémité est rentrée et percée de trous comme une pomme d’arrosoir. Il s’assure que la boisson qui doit être humée aussi chaude que possible est à une température convenable, et il passe l’appareil à la maîtresse de la maison, qui en aspire une gorgée et l’offre ensuite au visiteur. Cette façon d’exercer l’hospitalité a quelque chose de primitif qui peut avoir son charme ; mais l’hygiène n’y trouve pas son compte. En repassant la bombilla de bouche en bouche, on peut se transmettre en même temps des maladies qui n’ont rien de gracieux et sur la nature desquelles il est inutile d’insister.

L’infusion de maté a une saveur amère, astringente, que j’ai toujours trouvée pour ma part fort désagréable, lorsque j’ai été obligé d’en prendre à Rio-Janeiro, pour ne pas être impoli envers

  1. Riche, article Maté de l’Encyclopédie d’hygiène, t. II, p. 706.