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contenus dans les 2 grammes de feuilles qui servent à préparer une tasse de cette infusion. Le thé au lait, dont beaucoup de personnes font aujourd’hui leur déjeuner du malin, est moins riche que le café au lait, parce qu’il y entre plus d’eau, mais il est alimentaire au même titre, et il le doit au lait, au sucre, qu’on y môle, au pain et au beurre ; consommés en même temps.

Nous avons dit plus haut que l’usage du thé s’était répandu rapidement dans les contrées septentrionales de l’Europe et que c’était la boisson la mieux adaptée à l’humidité froide de ces climats ; on s’en trouve également très bien dans les régions équatoriales, mais cela tient à un autre motif : on y a recours surtout pour corriger la mauvaise qualité des eaux potables. Les Chinois, comme les Annamites, ne boivent jamais d’eau pure, ils la remplacent par une infusion de thé, et on est porté à penser que l’expérience leur a appris à connaître les dangereuses propriétés des eaux de leurs fleuves chargées de tant de matières organiques et de tant de microbes.

Pendant les premiers temps de notre établissement en Cochinchine, les troupes furent décimées par les maladies du tube digestif dues à la mauvaise qualité des eaux ; les personnes soucieuses de leur santé s’en préservaient en imitant la conduite des Anna-miles, et, une fois cet effet bien reconnu, on fit l’application aux troupes de cette habitude salutaire. On donne du thé aux soldats français en Tunisie et au Tonkin, et, d’après les ordres du général Berge, il en a été distribué dans les Alpes pendant les manœuvres annuelles. Les Anglais ont adopté la même coutume, et, dans son expédition contre les Achanlis, sir Garnel Wolseley substitua d’une manière absolue l’usage du thé à celui des boissons alcooliques.

Ce n’est pas, comme on le croyait autrefois, par l’effet de propriétés spéciales que le thé corrige la mauvaise qualité de l’eau, c’est tout simplement parce qu’il faut la faire bouillir pour le préparer et que l’ébullition fait périr tous les organismes inférieurs. On obtiendrait le même résultat avec toute autre plante ; cependant, si le thé n’est pas l’agent de la purification des eaux, il a, comme nous l’avons dit, une action réconfortante précieuse dans des climats débilitans, à la condition toutefois de ne pas en trop prendre, car les sueurs profuses que détermine l’abus des boissons chaudes dans les colonies feraient plus que compenser l’action tonique du thé.

Il faut donc, ou le laisser refroidir, ou le prendre sans sucre et presque bouillant. Tout le monde sait que, dans les régions équatoriales, la boisson prise à la température de l’air ambiant ne