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paquets, renfermés dans des boîtes de plomb ou d’étain soudées qui sont incluses elles-mêmes dans des boîtes de bois vernissé.

Le thé est en usage depuis un temps immémorial dans son pays d’origine ; mais il n’a été, comme le café, introduit en Europe qu’à la fin du XVIIe siècle, et ce sont encore les Hollandais qui l’y ont importé en 1652. L’usage ; de cette boisson s’est rapidement répandu, en Angleterre. Si l’on avait dit à Charles II que cette herbe dont la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales venait de lui adresser quelques livres et dont il essayait l’infusion avec une certaine défiance, atteindrait au bout de 240 ans une consommation de 100 millions de kilogrammes, on aurait causé à ce souverain une bien vive surprise, et pourtant la consommation augmente toujours. Elle est vingt, fois plus considérable que chez nous. Il est vrai qu’on fait usage du thé dans toutes les classes de la société et qu’il entre dans la ration des soldats comme dans celle des marins. Ceux-ci en reçoivent 8 grammes par jour, tandis qu’en France on n’en délivre qu’aux équipages de la station d’Islande ; encore ne leur en est-il alloué que 30 grammes par tête pour toute la campagne.

Toutes les nations du Nord ont adopté l’usage du thé. Cette boisson chaude et doucement stimulante convient aux pays froids et humides, comme le vin aux régions du soleil.

En France il n’a jamais eu le même succès. Rien qu’introduit à peu près à la même époque, c’est à dire en 1653, le thé n’a pris quelque faveur qu’à partir de 1830. En 1827, on n’en a consommé que 119 259 kilogrammes. On le prenait alors comme un remède et on n’en trouvait que chez les pharmaciens. On considérait son infusion comme une tisane, c’était la panacée de l’indigestion. Peu à peu, il s’est introduit dans les soirées du grand monde ; depuis longtemps il y a acquis droit de présence et maintenant il forme la base des petits goûters à l’anglaise ; c’est la boisson du five o’clock ; beaucoup de personnes prennent aujourd’hui du thé en mangeant, principalement à l’heure de déjeuner. Aussi la consommation a-t-elle quintuplé depuis 1827. Elle n’était pourtant encore que de 557162 kilogrammes en 1887, ce qui donne 14gr,50 par an et par habitant, tandis qu’en Angleterre la consommation annuelle est de 2857 grammes par tête[1].

Le thé doit ses propriétés à un alcaloïde qu’on désigne sous le nom de théine, mais qui est identique à la caféine. C’est même du thé qu’on la retire, parce qu’il en renferme davantage ;

  1. Riche, article Thé de l’Encyclopédie d’hygiène et de médecine publiques, t. II, p. 693.