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extrait une huile qu’on utilise dans les pays de production. L’arbre à thé est extrêmement rustique, et se plaît dans les terrains sablonneux. Il croît aussi bien au bord de la mer que dans les montagnes, à une altitude de 000 à 1500 mètres, et il peut affronter la neige. Cette rusticité, jointe à l’analogie du climat de la Chine avec celui du nord de l’Europe, avait fait espérer qu’on pourrait l’acclimater dans nos contrées. Mais les tentatives faites dans ce sens ont complètement échoué. En 1840, on a fait des essais de culture dans les landes du Finistère ; mais ils n’ont pas donné de résultats satisfaisans. Il en a été de même de ceux qu’on a faits à la Martinique, à Cayenne et en Algérie. Cependant, comme le fait observer M. Riche dans l’article Thé de l’Encyclopédie d’hygiène, les essais faits à la Guyane ont été conduits avec le plus grand soin par des cultivateurs chinois appelés dans notre colonie pour ce travail spécial.

On a cru pendant longtemps que les nombreuses variétés commerciales de thé étaient produites par des plantes différentes ; mais l’unité d’espèce ne fait plus de doute aujourd’hui, et la preuve en est donnée par ce fait que l’arbre qui produit le thé vert peut en fournir de noir, si on le plante dans le pays où croît ce dernier. La distinction commerciale entre les deux thés subsiste-toujours, mais on peut les obtenir avec les feuilles du même arbre. C’est une affaire de fabrication, comme nous le montrerons tout à l’heure.

Le thé se reproduit par graines qu’on place au nombre de 6 ou 8 dans des trous creusés à petite distance ; on le repique lorsqu’il a pris une certaine force. En Chine, on le cultive en champs entiers ou en bordure ; au Japon, on le plante en lisière des champs. On commence à cueillir ses feuilles la quatrième année et, à la dixième, on coupe le plant au ras du sol. De la souche s’élèvent des rejetons qui fournissent d’abondans produits jusqu’à vingt ans.

La récolte du thé noir commence en avril ; le 5 de ce mois est le jour consacré pour l’ouverture. À cette époque, l’arôme est incomparable. La cueillette doit, autant que possible, se faire par un beau soleil et de grand matin. On choisit le moment où la rosée scintille encore sur les folioles. À ce moment, elles sortent du bourgeon et sont couvertes d’un léger duvet. C’est le Pékoé à pointe blanche ; quelques jours plus tard, le duvet a disparu et on a le Pékoé à pointe noire. En mai, la feuille a pris tout son développement et donne le thé Souchong. En juin, elle a perdu de sa délicatesse ; elle donne le thé Congo, dont les meilleures parties forment le thé Campoy, et le reste le Boë, qui représente les marques commerciales les plus grossières.