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mais je n’ai jamais compris leur engouement. Il est certain que cette préparation faite avec du café de bonne qualité, sans mélange d’aucune substance étrangère, est préférable aux mixtures hétérogènes qu’on boit chez nous dans les estaminets, au petit noir qu’on sert à l’ouvrier, à deux sous la tasse ; mais elle est bien inférieure à l’infusion rapidement faite d’un café de bonne provenance, convenablement torréfié, moulu au moment de s’en servir et versé immédiatement dans les tasses. C’est ainsi qu’on vous l’offre dans les maisons où on connaît les trois conditions que réclame le café qui, pour développer tout son arôme, doit être fort, clair et chaud.

Pour préparer cette infusion si chère aux gourmets, rien ne vaut encore la vieille cafetière à la Dubelloy, dont se servaient nos aïeux. C’est probablement dans un appareil de ce genre que Louis XV préparait lui-même son café en compagnie de la Du Barry, et tous ceux qu’on a préconisés depuis ne sont pas parvenus à le détrôner. On a pourtant imaginé de petites machines à vapeur très ingénieuses, où le café se fait tout seul, où le feu s’éteint par un mécanisme automatique, où l’on a le plaisir de voir le liquide bouillant monter et descendre dans un vase de verre ; mais il leur arrive souvent de faire sauter le contenu au plafond, et puis, ce n’est pas une infusion, c’est une décoction qu’on obtient à l’aide de ces appareils. On épuise davantage la poudre, mais le breuvage est moins savoureux. C’est pour cela que la cafetière classique a prévalu sur les inventions nouvelles. L’usage n’en a pas modifié la forme, mais il en a considérablement accru les dimensions. On en trouve aujourd’hui de toutes tailles, depuis la petite cafetière dans laquelle le savant et l’écrivain préparent eux-mêmes leur infusion pendant les longues veilles, jusqu’au grand appareil en usage dans les estaminets, jusqu’aux immenses percolateurs dont on se sert dans les casernes et avec lesquels on prépare le café pour tout un bataillon.


II

Le café, qu’on l’envisage comme aliment, comme remède ou comme stimulant de l’action cérébrale, est un des produits les plus précieux dont l’Europe ait fait l’acquisition depuis le moyen âge. Il s’y est introduit à la même époque que le quinquina, qui appartient à la même famille botanique. Ce sont deux conquêtes du XVIIe siècle. Je ne les placerai assurément pas sur la même ligne. Celle du quinquina est peut-être le bénéfice le plus net que l’ancien monde ait retiré de la découverte du nouveau. Nous nous