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serres du Jardin botanique, et c’est de là qu’est sorti l’échantillon légendaire qui fut confié, en 1720, au capitaine Desclieux. C’est ce plant, objet de tant de sollicitude, qui a donné naissance aux immenses plantations des Antilles et de l’Amérique du Sud.

Aujourd’hui, la culture du café s’étend sur toute la zone intertropicale. En Asie, elle remonte jusqu’au 25e degré de latitude nord et descend jusqu’au 10e de latitude sud. En Amérique, elle va jusqu’au 30e dans les deux hémisphères ; moins répandue en Afrique, elle y donne pourtant de très beaux produits dans la zone correspondante à celles que nous venons d’indiquer.

C’est en Amérique surtout que cette culture s’est développée. Autrefois on ne récoltait de calé qu’aux Antilles ; aujourd’hui il constitue la principale branche d’exportation du Venezuela, de la Colombie, et de la République de l’Equateur. On lui consacre d’immenses surfaces ; les plantations forment de petites forêts sur lesquelles le regard se promène à perte de vue. A l’époque de la floraison, cet océan de verdure semble couvert d’une neige rosée qui embaume l’atmosphère. Les graines, après la récolte, arrivent par cargaisons entières sur les marchés du Havre, de Liverpool et d’Anvers, en concurrence avec ceux du Brésil, des Guyanes et des Antilles, dont la production a considérablement diminué. En 1776, la partie française de Saint-Domingue à elle seule en expédiait dans nos ports trente-trois millions de livres par an, aujourd’hui l’île tout entière en produit à peine la moitié.

Les différentes provenances que je viens d’énumérer versent annuellement, sur les marchés européens, une quantité de café qui, pour les sept nations du nord de l’Europe, a été, en 1888, de 253 603 825 kilogrammes. La France figurait dans ce total pour 66 909 240 kilogrammes. En 1890, d’après les chiffres fournis par l’administration des douanes, il en est entré, dans noire pays, 68 millions de kilogrammes. La consommation de l’Europe a été cette même année de 275 millions, celle des Etats-Unis d’Amérique de 210. La demande de cette précieuse denrée va toujours en augmentant sur nos marchés. Depuis soixante ans, l’importation a sextuplé en France. La consommation n’était que de 287 grammes par an et par habitant en 1831 ; elle s’élevait à 1 752 grammes par tête en 1888.

Ce mouvement n’est pas près de s’arrêter. Le café n’est plus une boisson de luxe ; mêlé au lait, il forme la base du repas du matin dans le plus grand nombre des familles européennes ; il fait partie de l’alimentation du marin et du soldat ; il constitue le complément obligé de tout dîner confortable. Son prix, malgré l’élévation des droits, est toujours abordable, et sa production n’a pas