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fatigue, empêche l’essoufflement et les palpitations qui l’accompagnent. Elle communique ainsi, à l’homme qui se livre à un exercice violent et prolongé, l’entraînement qui lui manquait. Cette dernière action intéresse surtout l’hygiène, les applications thérapeutiques de la caféine étant du ressort exclusif de la médecine. Elle a été constatée dans une série d’expériences faites dans l’armée, sur des troupes en marche. On a expérimenté la caféine sur des hommes isolés, sur des compagnies et même sur des bataillons, tantôt en plaine, tantôt dans les montagnes escarpées. Les espaces parcourus ont été de 60 à 80 kilomètres, avec des repos peu nombreux et de courte durée. Les soldats soumis à ce régime arrivaient à la fin de l’étape gais, dispos, prêts à recommencer, tandis que leurs camarades qui n’avaient pas pris de caféine donnaient des marques évidentes de fatigue et avaient perdu leur entrain.

Les mêmes effets ont été constatés à maintes reprises par les alpinistes au cours de leurs excursions. Ils sont donc parfaitement certains et d’une importance qu’il est inutile de faire ressortir, au moins en ce qui concerne les troupes en campagne.

On s’est demandé si la caféine était un aliment d’épargne, et la question a été résolue par la négative. Il est démontré qu’elle ne facilite le travail musculaire qu’aux dépens de l’organisme. Elle ne remplace pas les alimens, elle permet de s’en passer pendant quelque temps et de vivre sur son fonds, en attendant que les circonstances permettent de réparer la perte produite. Ce résultat est déjà considérable pour les troupes en campagne, lorsqu’elles sont forcées d’accomplir rapidement un long trajet dans un pays sans ressources et qu’il leur est impossible d’emporter leurs vivres avec elles.

La caféine, à la dose d’un gramme, ralentit la circulation tout en augmentant l’énergie des battemens cardiaques ; elle abaisse la température et détermine même, dans quelques cas, un délire furieux avec hallucinations visuelles ainsi que le docteur Faisans en a cité des exemples à la Société médicale des hôpitaux au mois de mai dernier. Nous reviendrons sur ces effets en parlant de l’action du calé, par lequel nous allons commencer l’étude des boissons aromatiques.


I

Après avoir fait, dans cette Revue, l’histoire de la plupart des poisons à l’aide desquels les générations contemporaines troublent leur raison et ruinent leur santé, j’aborde aujourd’hui