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on ne le doit pas à des pratiques vicieuses et que cette réduction empêche simplement un pullulement de 8, 10 ou 12 enfans par famille, ne peut être condamné par la morale ; enfin le désir des decencies ou objets de convenance et d’agrément, allant au-delà du confortable simple, paraît être en opposition avec l’abus de la force procréatrice, si bien que certains économistes ont vu dans le goût du luxe le plus grand obstacle à l’excès de population, overpopulation.

Quoique la France palisse depuis quelques années d’un mal tout contraire, il ne faut pas oublier que le monde en général, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, la race irlandaise, tout l’extrême Orient, souffrent de charges de famille prématurément assumées ou exagérées par les hommes résignés à la plus grossière existence et à la jouissance des seuls plaisirs élémentaires.

6° Le luxe bien entendu forme une réserve utile à une nation et aux individus pour les temps de nécessité. Cette heureuse conséquence concerne surtout le luxe en objets durables, très supérieur au luxe en objets passagers ; il n’appauvrit pas la nation, ni même souvent les individus. Il peut être même une forme d’épargne pour les natures peu disposées aux privations. Ainsi, le luxe qui se porte sur les achats de tableaux, de jolis meubles, de tapisseries, d’articles de collection, de bijoux même, lorsqu’il est défrayé sur le revenu et qu’une certaine intelligence y préside, constitue pour une famille, une réserve qu’après des années ou des dizaines d’années elle peut s’estimer très heureuse de posséder.

Ce luxe-là ressemble à l’économie ; c’était celui que le fin observateur anglais Temple louait chez les Hollandais.

7° Le luxe diminue plutôt qu’il n’augmente l’égalité des conditions. Si les gens riches épargnaient toujours et capitalisaient à nouveau tout ce qui dans leur revenu dépasse le nécessaire ou le simple confortable, outre que ce serait là une pratique dépourvue de toute raison puisqu’elle accroîtrait indéfiniment les moyens de consommation, sans jamais accroître les consommations elles-mêmes, ces féroces épargnans finiraient par détenir des fortunes exubérantes ; l’écart entre les conditions serait beaucoup plus grand qu’aujourd’hui et s’accroîtrait sans cesse ; on reviendrait lentement à la situation des peuples primitifs où les gens riches n’ont d’autre emploi de leur revenu que l’entretien avilissant d’un nombre infini de domestiques et de cliens.

Certaines dépenses de luxe, chez l’homme riche, loin d’être condamnables, contribuent à la sociabilité.

L’homme opulent doit faire de son revenu différentes parts : l’une destinée à une vie confortable, honorable, au sens