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ment au devoir professionnel, plus d’application à la tâche quotidienne, ni, en un certain sens, plus de vertu. Mais n’est-ce pas une raison de plus pour le préserver des mauvais exemples et des entraînemens qui peuvent en résulter ? M. le ministre de l’Instruction publique l’a pensé : on ne saurait trop l’en féliciter. Il a donné des avertissemens plutôt qu’il n’a infligé des peines, car il s’est borné à opérer quelques déplacemens. Il aurait pu faire plus, il ne pouvait pas faire moins. Ces mesures, si on les rapproche de celle qui a été prise par M. le président du Conseil à l’égard de M. le préfet de la Haute-Garonne déplacé dans des conditions analogues, indiquent de la part du gouvernement la volonté de faire respecter et les lois et sa propre autorité.

Il semble pourtant qu’à la veille de la rentrée du Parlement cette autorité ne soit pas aussi grande qu’on pourrait le souhaiter. Peut-être y a-t-il, dans la manière même dont le cabinet actuel est venu au monde et s’est présenté à l’opinion, quelque vice originel qui pèse toujours sur lui. Bien qu’il ait des principes de gouvernement, et qu’il les ait appliqués dans certaines circonstances, il les a, dans d’autres, plus ou moins atténués ou amoindris. Il a voulu faire de la conciliation avec des gens qui ne cherchent qu’à le compromettre ; il a essayé de prendre une moyenne entre des idées divergentes, au lieu d’en avoir à lui et d’y rester inébranlablement fidèle ; il a cherché le vent et ne l’a pas toujours trouvé ; il a agi par boutades, suivant l’inspiration du moment, bonne ou mauvaise, au hasard des circonstances ; enfin l’impression qui se dégage de toute sa conduite reste douteuse et il est assez difficile de tirer de son passé la prévision de son avenir. Dans la plupart des groupes politiques, l’opposition n’est pas nettement dessinée ; mais, dans ceux mêmes où elle subsiste, la confiance est mitigée et expectante. L’hésitation du gouvernement s’est reflétée, comme il arrive toujours, dans sa majorité. Personne ne pourrait dire au juste où nous en sommes, et si le cabinet actuel nous a fait faire une étape dans un sens quelconque. Sans doute tout cela se débrouillera dès la rentrée de la Chambre : en attendant, les vacances n’y ont apporté aucune lumière. Si on excepte les quelques actes très louables que nous avons rappelés et approuvés, mais qui se rattachent, après tout, à des faits accidentels, il est rare qu’un gouvernement ait pratiqué l’abstention politique avec autant de résolution que celui-ci depuis trois mois. Un seul discours officiel a été prononcé, qui mérite d’être relevé : c’est celui de M. le ministre des Finances à Commercy. Il est d’ailleurs remarquable à beaucoup d’égards. M. Poincaré peut se tromper quelquefois et nous croyons bien qu’il se trompe sur plus d’un point de ses conceptions financières ; mais la partie purement politique de son discours est excellente. La question des fonctionnaires et de l’obéissance qu’ils doivent au gouvernement dont ils dépendent y est traitée et résolue dans le meilleur esprit. Seulement ce n’est là, en quelque sorte,