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tout se terminant par l’examen qui permet de recevoir un certificat d’études. Dès 1850 le mouvement s’était produit, mais l’Université de Cambridge ne l’organisa complètement que plus de vingt ans après ; Oxford suivit son exemple, puis une société se forma à Londres pour l’extension d’un enseignement qui réussissait au-delà de tout espoir ; il a depuis lors gagné l’Ecosse, l’Irlande ; enfin il se transporta aux États-Unis, commençant dans la ville si lettrée de Baltimore.

Le docteur Herbert Adams, — qui a bien voulu me faire visiter l’université de Johns Hopkins, où j’ai été accueillie avec une inoubliable courtoisie par le président Gilman — le docteur Adams, professeur d’histoire, me raconte comment, durant l’hiver de 1887 à 1888, la jeunesse de la ville se réunissait tous les quinze jours pour entendre des lectures sur l’histoire du XIXe siècle. Une autre série de conférences sur le progrès du travail manuel fut ensuite dédiée aux centres industriels qui entourent Baltimore. Bientôt cependant on reconnut que ce genre d’instruction ne doit être donné à aucune classe spéciale, ouvrière ou autre, mais bien à tous, sans souci de la profession de chacun.

Tel fut l’esprit qui dirigea les cours subséquemment organisés avec l’aide de ces associations chrétiennes de jeunes gens qui existent dans chaque ville. Le mouvement s’est accentué de plus en plus jusqu’à ce jour, tous les collèges prêtant leurs professeurs. Pour voir quelles proportions colossales peut prendre en Amérique un grain de sénevé emprunté au vieux monde, il faut jeter les yeux sur l’Assemblée de Chautauqua.

Au moment même où, comme je l’ai déjà montré[1], Boston préparait dans un cercle restreint l’acclimatation des méthodes anglaises (1873), une idée grandiose germait dans l’esprit de l’évêque méthodiste J.-IL Vincent. Elle se manifesta d’abord par une assemblée d’été tenue au bord du lac Chautauqua pour l’enseignement de la Bible. Cette espèce d’école du dimanche organisée dans les bois fut le point de départ d’une université populaire qui, en vertu de la charte qu’elle a reçue de l’État de New-York, peut conférer des degrés. Le campement est devenu une sorte de station estivale où chaque année le chemin de fer de l’Erié et de nombreux bateaux à vapeur amènent par milliers les étudians autour de leurs maîtres. Ils trouvent là des hôtels, des musées, des gymnases, des salles d’assemblée, un « Hall de la Philosophie », un « Parc de la Palestine », des plaisirs de toutes sortes : excursions, régates, feux d’artifice, le tout annoncé, prôné

  1. Voir la Revue du 1er septembre 1894, la Condition de la femme aux États-Unis, Boston.