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Le logement et la nourriture coûtent deux cents dollars par an ; l’instruction, cent dollars, non compris les arts d’agrément, plus dix dollars pour l’usage des instrumens de laboratoire. Il va sans dire que seul un collège très richement doté peut donner autant à d’aussi modestes conditions. La belle église méthodiste épiscopale de Baltimore sert de chapelle aux étudiantes, une communication étant établie entre elle et Goucher Hall ; le campanile de cette copie plus ou moins fidèle de San Vitale, s’ajoutant à tous ces bâtimens d’architecture lombarde en granit brut, avec toits de tuile rouge, est vraiment d’un bel aspect, solide et sévère. Une école préparatoire, dite école de latin, prospère auprès du collège, sous la même règle.

C’est aussi à Baltimore que se trouve l’excellente école préparatoire de Bryn Mawr qui reçoit des élèves à partir de huit ou neuf ans et les conduit au seuil même du collège. J’y arrive un peu avant que ne commence une conférence sur l’hygiène, et j’admire comme la pratique se joint à la théorie. Ces jeunes externes ont leur piscine de natation ; elles prennent des leçons d’escrime et tirent de l’arc. Leurs vacances sont plus longues que chez nous. Aussi me frappent-elles par un air de santé que dans l’avenir un excès d’activité cérébrale ou mondaine fera perdre à quelques-unes. Elles me paraissent en outre, je dois le dire, moins disciplinées que ne le sont les écolières européennes du même âge. Les voyageurs anglais en Amérique ont toujours noté la fatigante exubérance des enfans, habitués à compter comme d’importans personnages ; cette remarque prouve que les enfans anglais sont timides et rigoureusement tenus, mais il est certain que l’inévitable individualisme n’attend pas le nombre des années pour s’affirmer chez le petit Américain, chez la petite Américaine surtout. Revenons aux universités vers lesquelles se dirigera impétueusement cette nouvelle génération.

Il y a aujourd’hui sur toute l’étendue des États-Unis (le Sud a depuis le triomphe de l’Union pris une grande part au mouvement éducationnel), 179 collèges de femmes, dans le sens que la langue anglaise donne à ce mot qui n’a rien de commun avec le nom de nos établissemens d’instruction secondaire, — 179 collèges où se confèrent des grades. Ces collèges comptent 24 854 étudiantes et 2 299 professeurs, dont 577 hommes et 1 648 femmes[1]. La prédominance des femmes n’abaisse pas le niveau, si j’en crois les meilleurs juges. Ils sont d’avis que souvent dans l’enseignement féminin il y a plus de méthode, ce qui supplée à la

  1. Tous n’ont pas le titre de professor ; il y a aussi les teachers ou instructors.