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deux mois seulement après son exclusion de la chapelle papale, il était nommé à la maîtrise de Saint-Jean de Latran. Il y demeura six ans, mélancolique et laborieux, écrivant ses premières œuvres, entre autres les Improperia, achetant parfois quelques pieds de vigne au penchant des montagnes natales. Mais toujours il se souvenait de Saint-Pierre, sa chère basilique, à laquelle on l’avait enlevé. Jeune encore, il avait éprouvé déjà les caprices du sort, et dans ses rares jours de liberté, parti le matin de Rome, lorsqu’il arrivait au soleil couchant devant son modeste enclos, il dut plus d’une fois redire les paroles du prophète, qu’il a si éloquemment chantées : « O ma vigne, ma vigne élue, comment ta douceur s’est-elle changée en amertume ? »

Cependant il travaillait sans relâche, ainsi qu’il travailla toujours. De cette époque datent plusieurs de ses madrigaux. En 1561 il quitta la maîtrise mal rétribuée de Saint-Jean de Latran pour celle de Sainte-Marie-Majeure. Deux ans plus tard, après dix-huit années de session, le concile de Trente se séparait, et le 2 août lo64 Pie IV, qui avait remplacé Paul IV sur le trône pontifical, nommait une commission de huit cardinaux, dont le cardinal Vitellozzo et le cardinal Charles Borromée, pour veiller à l’exécution des arrêts du concile.

C’est ici l’époque la plus importante de la vie de Palestrina. Décrets du concile de Trente relatifs à la musique sacrée, attributions et fonctionnement de la commission cardinalice, composition de la Messe du pape Marcel ; — autour de ces quelques points s’était épaissi un brouillard de légende, que l’érudition allemande semble avoir aujourd’hui dissipé. Il n’y a pas de sujet sur lequel on se soit plus longtemps et plus diversement trompé, que la réforme de la musique religieuse au XVIe siècle, ses origines, ses promoteurs ou ses patrons, son accomplissement, et enfin la part qu’y prit l’auteur de la fameuse Messe du pape Marcel. Très abondans et souvent très véridiques, les Mémoires de l’abbé Baini avaient jusqu’ici fait autorité ; mais depuis une vingtaine d’années, cette autorité a été ébranlée. Des lumières nouvelles sont venues d’Allemagne, de cette école et de cette revue de musique sacrée dirigées l’une et l’autre par le savant, l’infaillible docteur Haberl, maître de chapelle de la cathédrale de Ratisbonne et éditeur de Palestrina. Sur le point spécial qui nous arrête, Baini jadis avait eu le mérite de rectifier plus d’une erreur. M. Haberl à son tour, armé de documens authentiques, est venu tantôt confirmer, tantôt réfuter les dires de Baini. Peut-être n’est-il pas sans intérêt d’exposer selon Baini d’abord, puis selon M. Haberl, l’état ancien et l’état actuel de la question.

Des nombreux reproches communément adressés à la musique