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nécessaire. Une telle discipline résulte moins en effet de la leçon du maître que de son contact et de l’atmosphère dans laquelle vit l’étudiant. Or, ceux des professeurs de faculté qui sont voués aux sciences expérimentales vivent dans leurs laboratoires avec leurs auxiliaires, en communication constante avec leurs élèves. Dans ces laboratoires, les élèves sont pour ainsi dire enveloppés par la science ; ils en manient les appareils, ils les voient en action ; tout leur parle d’elle, les choses aussi bien que les maîtres. C’est là seulement qu’on peut vraiment s’imprégner de son esprit et le comprendre pleinement. »

Du reste, pour se décider, le Conseil supérieur avait mieux que des espérances et des promesses ; il avait un fait, une expérience, une expérience en terre française, et d’un résultat décisif. Lorsqu’elle avait eu à organiser, en 1890, la Faculté de médecine de Toulouse, créée sur le papier dix ans plus tôt, l’administration de l’enseignement supérieur, fidèle d’ailleurs à sa méthode, avait pensé que l’occasion était propice pour faire l’épreuve d’un régime d’études que beaucoup déjà considéraient comme supérieur au système alors en vigueur. Il fut donc inséré dans une convention avec la ville de Toulouse que l’État se réservait « la possibilité de rattacher à la faculté des sciences tout ou partie des services dits des sciences accessoires de la faculté de médecine. » À dater de la rentrée de 1890, les étudians de première année, tout en étant inscrits à la faculté de médecine, reçurent l’enseignement de la physique, de la chimie et de l’histoire naturelle dans les laboratoires et par les membres de la faculté des sciences. L’expérience fut concluante ; des deux côtés, à la faculté de médecine et à la faculté des sciences, on s’applaudit de l’innovation, et quand le Conseil supérieur eut à examiner les décrets île 1893, à toutes les présomptions de la théorie il put joindre la certitude d’un fait. Aussi n’hésita-t-il pas à faire du régime exceptionnel et provisoire de Toulouse la règle de toutes les autres facultés.


VI

On n’a pas été sans faire à ce nouveau régime d’assez nombreuses objections. Le Conseil supérieur les avait prévues : il les a pesées toutes avec la plus scrupuleuse attention. La plus saisissante consistait à dire : « Les études médicales sont déjà longues. Vous en augmentez encore la durée, et cela au détriment des meilleurs élèves, de ceux qui réussissent à enlever leurs deux baccalauréats à la fin de la philosophie, et passent sans transition du lycée à la faculté de médecine. Et à quel moment ? Juste au lendemain du jour où la loi sur le recrutement de l’armée a