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théorique et d’ordre pratique. Le choix du Conseil supérieur a été déterminé, d’un côté, parle caractère essentiel de l’enseignement nouveau, de l’autre, par l’état comparé des choses dans l’enseignement secondaire et dans les facultés des sciences. Tout d’abord par le caractère du nouvel enseignement.

Sous peine de manquer encore une fois le but, et de recommencer la stérile histoire du baccalauréat ès sciences restreint, il fallait donner à cet enseignement une allure très expérimentale. On peut à la rigueur enseigner les sciences expérimentales comme on enseigne l’histoire et les sciences mathématiques, par des leçons orales et des interrogations. Mais c’est la mauvaise méthode ; elle n’est d’ailleurs applicable qu’aux rudimens de ces sciences, ou à quelques-unes de leurs parties les plus élevées, par exemple à la physique mathématique. La bonne méthode de les enseigner, celle qui tout ensemble permet d’en saisir les résultats et l’esprit, c’est l’expérience, l’expérience incessante et répétée. Au mathématicien, il suffit, pour transmettre ce qu’il sait, d’une feuille de papier et d’un crayon, d’un tableau noir et d’un morceau de craie, parce que les liaisons qu’il démontre sont liaisons abstraites entre termes et symboles abstraits, et que dès lors l’expression en est possible partout et pour tous. Mais le physicien, le chimiste et le naturaliste ont besoin d’autres ressources. C’est que les liaisons qu’ils exposent sont liaisons de fait, et que partant on ne peut les saisir que là où elles sont, c’est-à-dire dans la réalité concrète. A la théorie, l’enseignement doit donc ici joindre la pratique, et par pratique je n’entends pas simplement ces expériences de collège, ces sortes d’illustrations qu’à l’appui de sa parole le maître produit, une fois pour toutes, aux yeux des élèves, j’entends l’expérience exécutée par l’élève lui-même, sous la direction du maître. Pour que l’enseignement des sciences physiques et naturelles soit vraiment efficace, pour qu’il forme l’esprit à la discipline particulière de ces sciences, pour qu’il en fasse comprendre les résultats, il faut que l’élève agisse lui-même, opère de ses mains, voie de ses yeux, retrouve ce que le maître a décrit, saisisse en acte les phénomènes et les lois de la nature, manie les instrumens qui servent à les manifester. Or c’était bien un tel enseignement et non le psittacisme du baccalauréat ès sciences restreint que réclamaient les facultés de médecine : des étudians déjà formés à l’esprit des sciences expérimentales, en possédant convenablement les principaux résultats, sachant faire une analyse chimique, sachant voir au microscope.

A priori, un tel enseignement peut se classer aussi bien dans l’enseignement secondaire que dans l’enseignement supérieur, suivant qu’on envisage telle ou telle de ses faces : dans