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de l’expérience, des modifications qu’y apportent les substances médicamenteuses.

Cette façon de voir a été confirmée, en ce qu’elle a de général, par les découvertes ultérieures. La théorie pastorienne des microbes, avec son cortège infini de conséquences, n’en est au fond que la plus éclatante des confirmations. Si nous écartons le problème métaphysique, et peut-être insoluble, des origines de la vie, elle nous a fait pénétrer plus avant dans le détail infini de l’organisme. Sous des actions qui semblaient élémentaires elle a découvert des actions infiniment plus élémentaires encore. Mais dans ces vies obscures et microscopiques qui évoluent, sans qu’ils s’en doutent, dans de plus grands organismes, elle a retrouvé partout et toujours des conditions déterminantes et des résultantes déterminées ; et les progrès déjà réalisés par elle dans l’art de guérir, de même que tous ceux dont elle est grosse encore, dérivent et dériveront de la connaissance expérimentale du lien qui unit ces résultantes et ces conditions.

De tout ceci les conséquences sont faciles à tirer. Sans doute il faut, et probablement il faudra toujours au médecin, alors même que le champ de l’indéterminé se sera rétréci, ce tact particulier, cette sorte de divination qui est un don et qui tient plus de l’art que de la science ; mais il lui faut aussi la science, la science et son esprit, la science et sa technique. Il la lui faut, d’abord pour la pleine intelligence de ce qu’il fait et de ce qu’il doit faire. Il ne suffit plus, sur un diagnostic donné, d’appliquer une recette. Le temps des recettes qui se transmettaient de génération en génération est passé. Toute altération pathologique est déterminée par un certain nombre de conditions et peut être, dans une mesure variable, combattue par certains changemens introduits dans ces conditions. Tout cas particulier, bien que régi par des lois générales, est soumis à des circonstances également particulières. Déterminer avec exactitude la modification morbide de l’organisme, en découvrir les conditions générales et les circonstances particulières, introduire dans ces conditions et circonstances tel ou tel élément nouveau, en telle ou telle quantité, est un problème d’ordre scientifique, que seul peut résoudre un esprit formé aux méthodes de la science. Sous peine d’être un empirique, le médecin doit pouvoir se donner, au moins à lui-même, la raison de ce qu’il prescrit, de ce qu’il exécute. Et cela, c’est de la science au premier chef.

Mais la science ne lui est pas moins nécessaire à un autre point de vue. La façon moderne d’envisager les maladies a eu pour conséquence immédiate une transformation de la technique médicale. Il ne suffit plus au médecin de savoir manier le bistouri ou le