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secrète, le retour à la France, ou à ne donner qu’une partie de l’équivalent à don Philippe et le reste à la Maison de France. »

A l’égard de l’établissement du prince de Conti en Pologne, Stahremberg devait faire remarquer que jamais un Français ne pourra régner à Varsovie tant que l’Autriche et la Russie seront d’accord pour s’y opposer, et qu’il est plus que douteux que la Prusse consente jamais à ce voisinage. Tout sera facile au contraire si, Frédéric une fois réduit à subir les conditions de la victoire, on assure au roi Auguste et à sa maison une compensation durable en Allemagne pour la perte d’une couronne élective.

Une observation faite en terminant, sans avoir précisément un caractère comminatoire, était de nature à faire réfléchir les politiques français sur les conséquences d’un refus qui réduirait peut-être l’Autriche à un parti désespéré dont la France aurait lieu de se repentir.

« L’utilité de l’alliance proposée, dit la dépêche, consisterait à la longue en ce que la France nourrit en ce moment un serpent dans son sein. Il est incompatible avec le véritable intérêt de la France de laisser augmenter la puissance dudit roi (de Prusse) et de fournir aux puissances maritimes l’occasion de le mettre avec le temps à la place de notre auguste Maison et de se servir de lui pour vaincre la suprématie de la France. Le roi de Prusse connaît bien l’exactitude de ce raisonnement et il n’a pas l’espoir de pouvoir satisfaire son désir illimité d’agrandissement avec l’aide de la France tandis qu’une alliance avec les puissances maritimes lui ouvrirait à cet effet une nouvelle voie. Cette seule réflexion devrait ouvrir les yeux à la France, surtout si elle considère que, si nos offres bien intentionnées devaient rester vaines, il n’y aurait pas impossibilité de notre côté de céder au désir du roi d’Angleterre et de tranquilliser ledit roi en ce qui concerne la Silésie et de le décider par l’offre de nouveaux avantages à unir une grande partie de ses forces aux nôtres et à celles de l’Angleterre, pour combattre la France et à lui faire sentir combien peu elle a suivi jusqu’à présent les véritables règles de ses intérêts[1]. »

A l’instruction était jointe une lettre particulière dans laquelle Kaunitz, ne pouvant contenir sa joyeuse émotion, félicitait avec effusion Stahremberg du grand œuvre auquel il allait leur être donné à tous deux de concourir. « Je me représente facilement, disait-il, quelle foule d’idées doivent traverser l’esprit de Votre Excellence à la première lecture du rescrit ci-joint de l’Impératrice.

  1. Marie-Thérèse à Stahremberg, 21 août 1755 (Archives de Vienne).