Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs fois répété, qui sépare le vin des lies où s’accumulent les germes malsains ; le collage, qui entraîne les matières étrangères restées en suspension.

Au nombre des méthodes chimiques figurent le soufrage, qui consiste à faire brûler des mèches soufrées dans l’intérieur du fût avant d’y introduire le liquide, et le plâtrage, usité surtout dans le midi de la France, en Espagne et en Italie. L’opération consiste à jeter, sur la vendange, du plâtre qui précipite au fond des tonneaux les substances albuminoïdes, avec lesquelles il se combine. Par l’élimination de ces élémens nuisibles le vin acquiert une plus grande solidité, ainsi qu’une coloration plus franche. Les adversaires du plâtrage affirment que cette pratique n’est pas sans danger : il s’opère, disent-ils, un phénomène de double décomposition entre le plâtre, ou sulfate de chaux, et la crème de tartre, ou bitartrate de potasse, contenue dans le vin. Une partie de ce dernier se transforme en tartrate de chaux insoluble, tandis qu’il reste du sulfate de potasse en dissolution dans le liquide. Estimant que les propriétés purgatives de ce sel ne seraient pas, à la longue, inoffensives pour l’économie, le législateur a voulu en limiter la dose : il a interdit la mise en vente des vins dans lesquels le plâtrage aurait introduit une proportion de sulfate de potasse supérieure à 2 grammes par litre. Quelques médecins voudraient aller plus loin et proscrire totalement le plâtrage, qui, d’après leurs observations, altère ou supprime le lait des nourrices et occasionne de graves maladies d’estomac.

Au contraire, les viticulteurs du Languedoc, par l’organe de leurs représentans, réclament, à défaut d’une liberté complète, du moins la faculté de porter à 4 grammes par litre la dose autorisée. Ils ne contestent pas que le sulfate de potasse soit un poison, mais ils pensent que c’est un poison bienfaisant. Beaucoup d’autres poisons plus violens sont ordonnés à petite dose par les médecins. « Les vins plâtrés, a dit le Conseil général de l’Hérault, sont recherchés par les gens du Nord. Ils deviennent de véritables médicamens pour les estomacs délicats. » Et, sur l’observation de l’un de ses membres, qui a déclaré s’être radicalement guéri d’une affection chronique en absorbant, à Vais, de l’arsenic pendant plusieurs années, la commission méridionale a opiné que l’on rendrait un véritable service aux populations en leur faisant prendre, d’office et sans qu’elles s’en doutent, du sulfate de potasse avec leur vin.

De tous les ingrédiens utilisés dans le travail des vins le plâtre n’est pas le seul qui, prodigué à l’excès, puisse être contraire à l’hygiène : il existe aussi des colorans toxiques ou