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Il paraît difficile pour le moment de l’accroître, en raison des barrières douanières qui lui sont opposées dans certains pays, de la concurrence que nous font, pour les vins ordinaires, un nombre chaque jour plus grand de contrées productrices, enfin des habitudes de divers peuples, proches ou lointains, qui ne boivent pas de vin, comme la Turquie, ou qui boivent autre chose : de la bière en Europe, du thé en Asie, du cidre, de l’alcool, de l’eau claire ou des jus fermentes de divers fruits dans l’Amérique du Nord. En France, la vente progresserait sans doute avec l’abaissement des prix et la réduction des impôts. Pourtant elle a des limites assez étroites ; les propriétaires ne tarderaient pas à s’en apercevoir, si les vignobles prenaient une extension démesurée.

Ce danger-là n’est pas immédiat ; mais, parmi les vins ressuscites qui font leur rentrée sur le marché indigène et se plaignent d’y être mal accueillis, il en est de médiocres que le commerce n’achète qu’avec méfiance. Encore affirme-t-il ne pouvoir les utiliser que grâce à des coupages avec des liquides plus alcooliques. « Nous n’avons qu’un seul moyen légal, disent les négocians de Bercy, de maintenir les petits vins français à faible degré : c’est de les soutenir avec des vins plus corsés et plus solides, » dont l’Espagne est le principal fournisseur. « A Bordeaux, dit M. Charles Mayet dans son intéressante enquête sur les vins, on a donné au vin d’Espagne le nom de vin médecin. Certains le désignent sous le nom de vin remontoir. »

Il est le véhicule fidèle et sûr des petits vins ; il ranime les abattus, corrige les rébarbatifs, soutient les faibles. Il joue à l’égard des vins acides, des vins maigres, des vins plats, le rôle d’un volant envers une machine à vapeur. Il est le régulateur de leur énergie ; il emmagasine les forces vives des autres vins, qu’il restitue à la consommation disciplinés, soumis, unifiés. Il doit ses qualités à l’alcool qu’il contient.

C’est donc à améliorer la qualité que doivent tendre nos viticulteurs, puisqu’ils ont reconquis la quantité à force de persévérance et d’argent. Ici encore, à côté du labeur agricole proprement dit, — méthodes de culture et choix des cépages, — intervient le travail de fabrication, de conservation des vins. Tantôt il s’agit de les empêcher de tomber malades, tantôt de leur rendre la santé, quelquefois de les affiner, de leur donner plus de bouquet, plus de charme et plus de prix.

Parmi les moyens découverts pour prévenir les infirmités du vin, il en est de chimiques et de physiques. Les premiers sont plus économiques et plus aisés, mais moins efficaces ou moins innocens. Il est aussi des soins mécaniques, tels que le soutirage