à tort. Elles viennent d’une année de rendement exceptionnel de la vigne. Ce phénomène agricole est venu compliquer une évolution commerciale et industrielle, toujours délicate, et qui ne va pas sans souffrances : la substitution d’une marchandise à une autre dans la consommation générale. Ce fut à l’époque où la moitié du vin naturel disparut presque subitement, avant que les vins artificiels ou étrangers eussent encore apparu, que la plus grande disette se fit sentir ; c’est aussi au moment où reparaît le jus des vignobles reconstitués, tandis que les boissons intérimaires n’ont pas encore disparu, que sévit particulièrement la pléthore. Mais cette pléthore est devenue plus sensible parce que les cépages indigènes, sur lesquels on avait perdu l’habitude de compter, ont été tout à coup plus prodigues.
Les producteurs, du reste, exagèrent un peu leurs plaintes : ils s’étaient habitués à des cours élevés, sur lesquels ils avaient établi des calculs d’avenir. Les prix actuels ne paraîtront pas aussi avilis qu’ils le disent s’ils les comparent, non à ceux de la période de crise, mais au chiffre moyen des années antérieures au phylloxéra. Il n’était pas rare, sous le second Empire et jusqu’en 1876, de voir l’hectolitre descendre, dans l’Hérault, aux environs de 12 francs lors des grandes vendanges, pour remonter quand la vigne se montrait plus avare. L’agriculteur a ceci de commun avec la plupart des autres hommes qu’il n’est jamais pleinement satisfait : qu’il s’agisse de raisins, de céréales, de pommes ou de betteraves, il déplore tantôt leur rareté et tantôt leur peu de valeur. Chacun répondrait volontiers comme ce paysan normand à l’interlocuteur qui lui reprochait son pessimisme éternel et lui demandait de formuler ses vœux en matière de récolte : « Je vais vous dire… ce qu’il nous faut, c’est une bonne demi-année, quand les autres n’en ont point ! »
Pour obtenir tous, et tous les ans, cette « bonne demi-année », les viticulteurs ont peut-être trop sacrifié la qualité à la quantité. Ce n’est pas que, fût-il toujours excellent, la consommation du vin puisse être indéfinie, Les récoltans du Midi, qui ne boivent eux-mêmes leurs produits qu’avec modération, — le climat le veut ainsi, et l’ivrognerie est beaucoup plus rare en Languedoc ou en Roussillon qu’en Bretagne ou en Normandie, — ne peuvent mettre leurs concitoyens des départemens du Nord au régime de l’intempérance obligatoire.
L’exportation ne dépasse pas 2 millions et demi d’hectolitres.