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soude, se dissimulait un sulfo-vinate dont la distillation permettait d’extraire une certaine quantité d’eau-de-vie.

De même que, dans les traités tactiques sur les sièges, la conduite des assiégeans et des assiégés est si bien tracée, et son succès si probable de part et d’autre, qu’il semble, à les lire,


Que l’on peut prendre tout et qu’on ne peut rien prendre ;


de même, à suivre dans leurs cheminemens contraires la chimie contrebandière qui invente les fraudes et la chimie d’Etat qui les poursuit, on se demande comment les falsifications ne sont pas à la fois tout à fait générales et tout à fait impossibles ? Qui songerait à blâmer les pouvoirs publics, absorbés par ce combat incessant, de négliger les supercheries inoffensives, surtout quand le public s’en fait complice ? L’élévation des droits, en certains centres et notamment à Paris, étant la principale cause du mouillage, leur suppression ou leur abaissement notable aurait pour conséquence le retour au commerce du vin pur, vendu en détail plus ou moins cher selon qu’il serait plus ou moins généreux. Ce jour viendra lorsque la réforme de la législation des boissons, depuis plusieurs années proposée par le gouvernement, aura été adoptée par les Chambres. Si la contribution imposée à l’hectolitre de vin introduit dans la capitale était, comme le demande en ce moment le ministre des finances, réduite de 19 à s’francs, le mariage de l’eau avec le jus de raisin perdrait le principal attrait qu’il offre aujourd’hui au débitant.

Les autres solutions sont d’une pratique difficile : on s’est maintes fois scandalisé de voir le vin du pauvre sujet au même impôt que le vin du riche, et la pièce de léoville ou de chambertin ne pas payer davantage, aux portes des grandes villes, que la futaille analogue provenant du Gard ou de l’Hérault. Mais il faut tenir compte du peu d’importance des boissons de luxe dans la consommation générale, — les vins d’une valeur supérieure à 100 francs l’hectolitre ne représentent que 2 ou 3 pour 100 du total des entrées de Paris. — Par suite, pour diminuer d’un franc la taxe des vins ordinaires, on devrait augmenter de 40 à 50 francs celle des vins fins ; et ceux-ci chercheraient et trouveraient aussitôt mille moyens de s’y soustraire.

Il serait plus aisé, pour dégrever les petits vins naturels, d’imposer les liquides selon leur degré d’alcool. M. Léon Say a recommandé ce mode de taxation dans un remarquable rapport sur l’alcoolisme, et le gouvernement avait préparé plusieurs projets qu’il a ensuite abandonnés. Ce ne serait point chose inadmissible ni « monstrueuse, » — comme l’a énoncé avec quelque