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remplacer le raisin frais, ou plutôt lui prêter main-forte, puisque les produits de l’un et de l’autre fraternisaient souvent, — à son insu, — dans le verre du petit consommateur. Les espèces les plus employées venaient de Grèce, de Turquie, d’Asie Mineure : c’étaient en première ligne les raisins de Corinthe, puis ceux de Thyra, de Smyrne, de Samos, de Vourla, etc.

Dans leur pays ces fruits mûrissent dès le mois de juillet, et sont ensuite étendus sur la terre où le soleil se charge de les dessécher. Ils arrivent en France, les uns égrappés, les autres encore adhérens à la grappe et renfermés dans des sacs où ils sont fortement comprimés. Avant de les employer, on commence par les nettoyer des impuretés ou des matières étrangères, cailloux, figues, dattes, auxquelles ils sont mélangés. On les introduit alors dans une première cuve, dite de trempage, où ils absorbent la quantité d’eau voulue pour reprendre le volume qu’ils avaient à l’état frais. La durée du trempage varie de 36 à 72 heures, suivant l’espèce des raisins et la température de l’eau. Les fruits sont aussitôt après broyés au moyen d’un cylindre qui fait crever les grains sans toutefois les mettre en bouillie, et ils passent de là dans la cuve de fermentation. S’agit-il de raisins de Corinthe, on verse d’abord l’eau dans la cuve, puis on ajoute les grains, que l’on a simplement émiettés pour détruire leur adhérence. La quantité d’eau varie suivant la richesse alcoolique que l’on veut obtenir : pour fabriquer un vin titrant 10 degrés environ, il ne faut pas dépasser, par 100 kilogrammes de raisin, trois hectolitres d’eau dont la chaleur initiale doit être de 18° en été et de 22° en hiver.

Ce procédé est celui de la fermentation sur marcs. Dans certains cas, on pressure les raisins après le trempage, et le liquide seul est envoyé dans la cuve de fermentation. Afin d’accélérer sa transformation en vin, on ajoute quelquefois de la levure de bière haute, débarrassée, par des lavages, de l’amertume qu’elle doit au houblon. Mais le plus souvent on se dispense de recourir à des fermens étrangers, ceux que la nature répand sur la surface des grains, au moment de leur maturité, n’ayant pas perdu leur vitalité par le fait de la dessiccation. Convenablement préparé, le vin de raisin sec est une boisson saine, dans laquelle se retrouvent la plupart des matériaux constitutifs du vin naturel. Une décision récente de la sacrée Congrégation des rites autorisait les prêtres à se servir de ce liquide pour la célébration de la messe, à l’offrir au Seigneur comme « le pur fruit de la vigne. » Il diffère cependant du vin de vendange en ce que quelques-unes des substances contenues dans le fruit se sont modifiées sous l’influence de l’oxygène de l’air. Ainsi la matière colorante est devenue insoluble.