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personnelles et des cotes mobilières est vicieuse… J’éviterai à votre sensibilité le tableau vrai des inquiétudes, des peines et des larmes qu’a coûtées à un grand nombre de Français l’injuste fixation des cotes personnelles et des cotes mobilières, mais cette injustice ne peut être un problème… Par sa nature, cette contribution est à peu près sans bases dignes de confiance pour en faire la répartition. Cette répartition est arbitraire. »

Cette cause, quelle qu’elle soit, dont parle Ledannois, nous savons quelle elle est : c’est, comme l’a dit Mestadier, le peu d’équité des jurys qui distribuaient les charges sur ceux qu’ils n’aimaient point, et n’en gardaient qu’une petite part pour eux et leurs amis.

La contribution mobilière ne peut être remplacée que par une taxe d’habitation qui ferait, dans une certaine mesure, double emploi avec la contribution foncière sur les propriétés bâties, sauf qu’elle ne porterait pas sur les locaux d’industrie dont la valeur sert en partie de base à la contribution des patentes. Mais pour cette taxe d’habitation comme pour la contribution des propriétés bâties, il faut se délier de la valeur locative, base absolument arbitraire quand on l’applique à une habitation qui n’est pas louée.

La taxe d’habitation doit être un impôt de répartition. La formation de contingens fournit le seul moyen d’en corriger ce que sans cela elle pourrait avoir d’anti-proportionnel. Le projet de budget déposé par M. Burdeau fournit un excellent moyen de déterminer les contingens par départemens, arrondissemens et communes, et l’adjonction à la taxe d’habitation d’un impôt sur les domestiques l’améliore considérablement. Le tarif du projet de budget de M. Burdeau est trop dur pour les petits ménages, qui ont besoin à cause de leurs enfans d’avoir plus d’une femme à leur service.

Je ne me servirai pas du langage trop sensible pour le sexe en usage au XVIIIe siècle, mais il y a beaucoup de vrai dans ce passage du rapport de Sainthorent au conseil des Cinq-Cents à la date du 7 brumaire an VII :

« Nous avons été indécis sur le point de savoir si nous ne porterions pas dans les exemptions tous les domestiques femmes. La faiblesse de leur sexe ne leur permet pas les travaux durs de l’agriculture : elle leur commande en quelque sorte la domesticité avec les soins intérieurs du ménage. Et puis il est tant de ces malheureux êtres qui, dans ce sexe, ont besoin d’appui et qui ne peuvent pas, comme les hommes, exister par leurs propres forces ; il est aussi tant de maîtres qui les abandonneraient à la misère plutôt que de payer pour leurs services un faible impôt, que nous avons été disposés à les comprendre dans l’exception. »