radicale, ou qu’il a voulu la ménager. Mais qu’en pense le gouvernement ? Le fait qui vient de se produire n’est-il pas une preuve de plus de l’anarchie qui règne dans l’administration ? Chacun y fait à sa tête. M. le préfet de la Seine, par ordre de son ministre, révoque M. Robin ; mais M. Babut critique la mesure qu’il est chargé de faire exécuter. Évidemment ce fonctionnaire, qui a de plus nombreux rapports avec le Conseil municipal de Paris qu’avec le gouvernement, aime mieux être bien avec le premier qu’avec le second. Un pareil désordre est-il tolérable ? Le gouvernement joue le rôle d’un oncle de comédie auquel on cède sur le moment quand il se met trop en colère, mais dont on se moque en attendant de prendre sur lui sa revanche. Nous n’avons pas un gouvernement, nous en avons vingt, nous en avons cent. Il ne faut pas chercher ailleurs l’explication du long maintien de M. Robin à Cempuis. Le mal principal est là, et si on n’y apporte pas un remède énergique, ce n’est pas un fait purement accidentel comme la révocation du directeur de Cempuis qui nous rassurera sur les périls auxquels nous restons exposés.
Depuis quelque temps, les journaux italiens montrent une singulière agitation, qui sans doute n’est pas sans rapport avec celle du gouvernement. On croirait, à les lire, que quelque chose d’important se prépare de l’autre côté des Alpes. À la vérité, ce n’est pas la première fois que des symptômes du même genre se produisent, et jusqu’à ce jour, rien ne les a suivis. Il ne faut donc pas leur donner plus d’importance qu’ils n’en ont sans doute ; mais, d’autre part, nous ne pouvons pas les laisser passer sans les signaler. Chaque fois que le gouvernement italien, ou du moins que M. Crispi rêve de faire quelque chose de peu conforme au droit des gens, il ne manque pas d’accuser la France d’avoir voulu le faire avant lui : il la dénonce au monde comme la puissance perturbatrice par excellence, dont toutes les autres doivent s’entendre pour arrêter les ambitions désordonnées. Le meilleur moyen d’atteindre un résultat si désirable est évidemment d’occuper au plus vite la place qu’on accuse la France de vouloir prendre, et l’Italie est toujours prête à remplir ce rôle avec dévouement, pourvu qu’on l’y encourage. Mais on ne l’y encourage pas. Vingt fois déjà nous avons vu jouer la même comédie, toujours avec les mêmes circonstances : il n’y manque jamais qu’un dénouement. Nous pourrions, à la fin, nous montrer blessés de nous entendre imputer tant de mauvais desseins ; mais à quoi bon ? Personne n’y croit en Europe, ni même en Afrique. On y croit même de moins en moins à mesure que l’Italie renouvelle des prédictions qui ne sont jamais suivies d’aucun effet, et tout porte à penser que ces campagnes de presse, qui sûrement ne sont pas spontanées, ont plutôt pour but de produire une impression sur les esprits à l’intérieur qu’au dehors.