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fragmens importans en ont été publiés ici même. Mais, quel que fût le très grand mérite de ces travaux, ce n’est pas encore là que nous trouvons l’originalité principale de M. le Comte de Paris, entant que penseur et qu’écrivain. L’intérêt qu’il prit de bonne heure aux questions sociales est en effet un trait de son caractère qui mérite d’être remarqué. Peut-être le mériterait-il moins aujourd’hui, que tout le monde s’occupe de ces mêmes questions, ou du moins en parle ; mais, à cet égard, M. le Comte de Paris a été quelque peu un précurseur : il était en avance sur sa génération. Était-ce de sa part prévision de l’avenir ? Avait-il pressenti quelle place prépondérante les questions sociales devaient bientôt tenir dans tous les esprits ? ou n’était-ce pas plutôt le mouvement naturel d’une âme généreuse qui le poussait vers ces problèmes dont la solution importe si fort au bien-être matériel et au progrès moral des classes ouvrières ? Quoi qu’il en soit, il s’y attacha avec une ardeur singulière et avec un bon sens pratique qu’on ne saurait trop louer. Il n’était pas un rêveur humanitaire, mais un chercheur laborieux, consciencieux, appliqué, et ses conclusions étaient le résultat d’une enquête personnelle qu’il avait poussée très loin. Il avait tout vu par lui-même vérifié, contrôlé, expérimenté. Son livre sur les Associations ouvrières contient des renseignemens encore aujourd’hui utiles et des jugemens qui le seront toujours. La Revue des Deux Mondes a publié de lui sur les questions sociales de belles études, d’un style simple, sobre, précis, le style qui convient à un pareil sujet et qu’on n’y emploie malheureusement pas toujours. M. le Comte de Paris, à cette époque de sa vie, s’est livré à un travail considérable, avec une activité que rien ne lassait, une patience que rien ne rebutait ; quand cette Revue ne lui en devrait pas quelque reconnaissance plus particulière, c’est un fait assez rare chez un prince de son âge et de son temps pour que nous en rappelions aujourd’hui le souvenir. Il espérait, cette fois encore, que son pays profiterait un jour de ce qu’il avait appris ; il voulait être prêt à toutes les tâches. Il s’était préparé pour la guerre, il s’était préparé pour la paix. La guerre a éclaté, et il n’a pas pu y prendre part ; la paix est revenue et a duré longtemps sans qu’il lui ait été donné de collaborer au relèvement de la France. Le plus humble citoyen a été plus favorisé que lui.

Du moins, la porte de la patrie s’était rouverte pour lui, et tout donne à croire que les quelques années qu’il a alors passées en France ont été les meilleures de sa vie. Il n’a pris part qu’à un acte politique important : nous voulons parler de la fusion. Il est allé à Frohsdorff se réconcilier avec le comte de Chambord. Les uns l’en ont vivement loué, les autres le lui ont violemment reproché : au point où nous sommes, ces querelles rétrospectives ont bien peu d’intérêt. La fusion n’a pas donné une chance de plus à la restauration de la monarchie, et elle ne lui en a non plus enlevé aucune. Il est certain aujourd’hui pour