Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordre ; nous partagions avec l’Angleterre le commerce général du pays. Mais nous avons vu successivement se modifier cette position, en raison du développement que prennent dans ces régions les influences d’autres puissances dont l’essor économique et l’exportation au Maroc ne datent que de quelques années. Souvent, il faut bien le dire, sous l’empire de causes qui paraissent personnelles à nos négocians, mais dont quelques-unes engageaient notre, responsabilité administrative, notre commerce marocain a périclité. On peut même avancer que sur quelques points il est en décroissance. Durant de longues années, Marseille seule fournissait tout le sucre et toutes les bougies consommés au Maroc. Or, pour des raisons multiples, qu’il serait trop long d’énumérer, on ne veut plus actuellement au Maroc que des bougies non françaises, et cette branche de commerce a été entièrement perdue pour le port de Marseille. Mais l’importation des sucres nous demeure et nous le devons en grande partie à la protection accordée aux marques de fabrique françaises par le texte de la convention commerciale conclue à Fez entre notre ministre et le gouvernement marocain. Déjà depuis un certain temps, une concurrence déloyale s’effectuait ; les étiquettes des grandes raffineries de Marseille, connues et appréciées depuis des années par les indigènes, étaient imitées avec un art infini, et chaque navire arrivant de Belgique ou d’Allemagne débarquait sur la côte des quantités considérables de sucre contrefait. Il était urgent d’y remédier, et notamment à ce point de vue spécial, mais important, la mission de M. d’Aubigny à Fez porta des fruits précieux.

Vers la fin de l’année 1892 était mort à Tanger le chérif de Onazzan, Si-el-Hadj-Abdesselam, au retour d’un voyage entrepris en Algérie pour y recueillir des ziara ou offrandes religieuses parmi les nombreux fidèles qu’il y possédait en qualité de grand maître de la confrérie de Moulaï-Taïeb. La disparition de ce personnage fut un événement. Il avait en effet été intimement mêlé à des événemens politiques dont la diplomatie conservait l’impression. Tout en se trouvant à la tête d’une confrérie religieuse dont on ne peut contester ni l’étendue, ni l’influence dans le nord-ouest africain, El-Hadj-Abdesselam représentait également une des plus illustres familles religieuses du Maroc, celle de Ouâzzan. Par son ancêtre direct, Moulai-Abdallah chérif, il était l’héritier d’un des trois saints ou patrons les plus révérés de la contrée, et il personnifiait au même titre la lignée directe des chérifs Idrissides, la première et la plus populaire des dynasties locales. Ce n’était point seulement un chef de confrérie ou de khouans, mais bien aussi l’inspirateur d’un puissant parti politique ; et à certaines époques, quelle que soit devenue sa