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Durant l’hiver 1887-1888, arriva à Meknas une ambassade belge dont le souvenir est demeuré très vif. Elle apportait en présent au souverain un petit chemin de fer fabriqué en partie en Allemagne. On se flattait, paraît-il, grâce à l’étonnement produit sur l’esprit du monarque africain, de pouvoir obtenir la commande d’un matériel plus considérable et l’établissement d’une première ligne de Meknas à Fez, point de départ, espérait-on, d’un réseau plus étendu destiné à mettre en valeur les richesses de l’empire. On pensait aussi que la nationalité de l’entreprise sortie d’un pays si spécialement industriel ne soulèverait ni complication ni jalousie diplomatique. En réalité, la petite locomotive ne fonctionna qu’une fois devant le sultan et encore très médiocrement, car elle roulait sur des rails trop hâtivement posés et sur un terrain accidenté : elle s’arrêtait, et des nègres du palais devaient alors pousser la machine jusqu’au sommet des pentes. L’effet fut manqué : Sa Majesté Chérifienne refusa énergiquement de monter dans le wagon impérial, et à l’heure actuelle, ce petit matériel de luxe, transporté avec tant de peine à des de chameaux à travers les chemins de la Tingitane, détrempés et difficiles en hiver, gît dans un poussiéreux abandon au palais de Dar-el-Beïda où il est remisé.


III

C’est en 1888 qu’il convient de placer le commencement de la deuxième partie du règne de Moulaï-el-Hassan. Nous avons vu les premières années consacrées par le souverain depuis 1873 à faire reconnaître, puis à consolider son autorité, dans les régions accessibles de l’empire, qu’il a parcourues sans cesse et presque chaque année de Merâkech à Fez, de Fez à Ouchda, pour ensuite revenir au cœur de ses États. Par deux fois nous l’avons suivi jusqu’au fond des provinces reculées de l’ancien royaume du Sous, où il allait établir sa domination, puis nous avons caractérisé les plus importantes négociations de sa politique intérieure, telles que l’alliance avec les marabouts du Tadela, par laquelle il s’assurait le concours effectif des Zaiane.

Dès la fin de 1887, le sultan allait utiliser les ressources diverses que lui donnaient sa diplomatie intérieure et la domination des territoires qui lui étaient soumis pour entreprendre une grande lutte contre l’influence des Derqaoua. C’est là le premier acte important de sa politique contre l’hégémonie berbère, qui l’occupera jusqu’à sa mort. Ensuite aura lieu le voyage, — plutôt que l’expédition, — chez les Djebala ; autre épisode de la même