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eux une petite colonne. Plusieurs têtes de rebelles furent expédiées à Fez et suspendues comme exemple, suivant un usage séculaire, au-dessus des portes de la ville. À cette époque, des détachemens envoyés chez les Aït-Ioussi, sur la route de Fez au Tafilelt, durent guerroyer pendant un certain temps pour obtenir la remise des impôts.

Au cours de cette même année, il convient de placer un des événemens diplomatiques les plus considérables de l’histoire du Maroc et qui depuis cette époque a réglé la majorité des relations et des affaires entreprises par les Européens dans l’intérieur du pays. Je veux parler de la conférence internationale qui fut réunie à Madrid et où furent représentées la France, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Hollande, le Portugal, la Suède et la Norvège. Elle élabora et arrêta le texte de la convention signée le 3 juillet 1880 par les plénipotentiaires des puissances précitées et par les délégués marocains à cette réunion.

Pour de multiples raisons, cet instrument diplomatique n’a produit que peu d’effet, et en tout cas aucun des résultats principaux que paraissaient rechercher les puissances : — ni la restriction du droit de protection et des abus qu’il entraînait et qu’il continue à provoquer ; ni la possibilité pour les Européens de s’établir avec facilité dans l’intérieur du pays. On n’a en effet obtenu du sultan la reconnaissance du principe de la propriété et de l’achat des terres par les Européens qu’au prix d’une clause additionnelle, que dans son habileté diplomatique le délégué chérifien a représentée comme une garantie morale, mais qui en réalité, soumettant toute opération d’achat à l’approbation du sultan, rend pratiquement nulles les concessions du premier article. Sa Majesté Chérifienne, pour protéger l’intérieur de son empire de l’invasion redoutée des chrétiens, des étrangers, n’a cessé de donner secrètement des instructions très nettes, très sévères, à tous ses fonctionnaires d’avoir à entraver toute opération de ce genre. De plus, ressource suprême, l’acquiescement du makhzen est toujours refusé. Il en résulte que, sauf sur la côte, dans celles des villes où cet usage était anciennement établi, les étrangers n’ont obtenu aucune facilité nouvelle pour acquérir des propriétés.

Dans le courant du printemps de 1881, la cour chérifienne se remit en marche, se dirigeant vers Rabat, pour razzier au passage les tribus turbulentes des Zemmours, puis les Zaeres, et enfin sur la route de Merâkech. On s’arrêta dans le Tadela pour régler certaines difficultés et mettre à profit les bonnes relations qui